Ça, je l’aurais pas cru. J’écoute pas mal de reportages, de
micros trottoirs. Au delà de la fracture discursive qui fait que personne ne
comprend personne, je perçois dans les mots une vieille invitée des discours
politiques : la Haine.
Même si la Parole semble encore passable, il y a des
accents, une trémulation perceptible, la perception d‘un discours épuisé qui
signifie un désir de mort. On parle, on continue de parler pour contenir la
haine, raccourcir la laisse qui la tient coite. Mais les actes suivent :
ce matin, un nouvelle affiche a vu le jour : Macron Méprisant de la
République. Ce matin, on a décapité l’effigie du Président. Jamais, je n’avais
ressenti une telle haine, même en 1968 où De Gaulle avait capitalisé sur ce
thème. Il y avait une haine, mais en face il y avait une Histoire. Nous ne
sommes pas à Carnaval quand on sacrifie les dirigeants pour de rire. Le peuple
ne rit plus.
Les commentateurs se demandent si Macron a su choisir les
mots. Ce n’est pas la question. Le peuple ne veut plus de mots. Il veut des actes, des actes
forts. Un acte de contrition ne suffit pas, il y faut de l’humiliation. Le
peuple attend un Président à genoux. Devant lui.
Le peuple attend que Macron choisisse son camp, qu’il
inverse ses priorités. Le peuple sait qu’il y a de l’argent, l’argent que son
travail produit, et que le Président a les moyens d’en modifier les flux. Le
peuple attend une vraie politique fiscale et l’arrêt de la fraude.
Je me souviens de la première guerre du Rwanda, en 1974. Les
Hutus, plutôt petits, attrapaient les Tutsis et leur sciaient les jambes pour
remettre l’égalité dans les tailles. C’était un peu rustique, mais ça avait du
sens C’est ainsi que réagissent les peuples. Les dirigeants devraient le
savoir.
Les dirigeants devraient comprendre que les employés
smicards d’Auchan ou Saint Maclou ne peuvent tout simplement pas comprendre que
la famille de leurs propriétaires vive en Suisse, échappe à l’impôt et refuse
de les augmenter. Il est inutile d’expliquer la situation, voire de la
justifier, nous sommes dans le ressenti de l’absence de morale. Comme avec
Vinci qui leur vide les poches avec une constance admirable. Légalement,
fiscalement, tout est bordé. Moralement, nationalement, c’est perçu comme une
honte. C’est ainsi que brûlent les péages.
Le peuple sait que les lois se changent, que l’Etat est
souverain et qu’il peut sortir des traités qu’il a signés. Le peuple voit son
Président réveillonner au milieu de nos armées et se demande combien Juncker a
de divisions. Le peuple se donne un Président pour qu’il le protège, puis il le
voit protéger ses copains qui sont tous des coquins. Aux yeux de nombreux
commentateurs, le peuple est bête. Mais il est majoritaire.
Macron a les cartes en mains. Ce sont ces cartes qui rendent le peuple haineux. Il a un
côté sympa, Macron. Pour protéger ses copains capitalistes, il accepte qu’on
décapite son effigie. Il n’a pas compris que quand ce sera « pour de
vrai », ce sera trop tard et qu’aucun de ses copains ne se précipitera à
son aide. Il n’a pas capté que « pour de vrai » pouvait être vrai.
Après la Saint Sylvestre, la Haine sera toujours là. Plus
forte, s’il est possible. C’est ce que je crois. Pendant dix jours, l’info va
circuler. Partisane, souvent fausse, toujours biaisée Toutes ces infos
viendront enrichir la haine. Tous les démentis aussi. Le Président est
coincé : menteur quand il ment, menteur quand il dit vrai. Comme il est
entouré par une bande d’incapables peu crédibles, ça ne s’arrangera pas. Les
Gilets Jaunes le savent : Macron est à genoux.
Ils vont chercher la curée….