dimanche 17 septembre 2017

L'ETAT ET LE PATRONAT

L’avantage avec les livres, c’est que si on les loupe quand ils sortent, on en vient toujours à les retrouver. De celui consacré à la décadence de l’Empire romain que je suis en train de lire, 40 ans après sa parution, j’extrais cette phrase admirable :

La puissance des seigneurs fait que, même si leur intérêt collectif reste d’assurer la puissance de l’Etat, ils ne peuvent que le nier individuellement.

On ne saurait mieux dire et décrire notre monde. L’auteur se nomme Pierre Dockès et le livre est publié dans la remarquable Nouvelle Bibliothèque Scientifique, dirigée par Braudel chez Flammarion.

A la suite de Marc Bloch, l’auteur voit dans le féodalisme le passage de l’esclavage à l’état servile. Et à la suite de Marx, il voit dans l’esclavage l’origine du salariat. Pas très politiquement correct, ça !!!!!

Mais que se passe t’il donc ? Simple. Les latifundistes romains ont besoin de l’Etat, des armées de l’Etat, des fonctionnaires de l’Etat. Mais pas toujours, pas tous les jours. En revanche, pèse sur eux le poids de la fiscalité.  Faut bien payer les soldats. Et ce discours là, on l’utilise tous les jours. Pour se plaindre. Pour refuser une augmentation. Pour retarder un investissement. Récurrent, il prend naturellement la première place. Il devient dominant, il se transforme en doxa. Et de ce fait, il conduit à l’affaiblissement de l’Etat. Le discours tenu par chaque propriétaire devient partie d’un discours dominant qui va à l’encontre de ses intérêts.

Nous le vivons. Le patronat, par la bouche de l’ineffable Gattaz, ne cesse de fulminer contre l’Etat. L’Etat qui assure plus ou moins bien la paix sociale, la protection des citoyens et qui garantit la croissance en injectant des sommes colossales dans la protection des plus faibles. Car ne nous leurrons pas, le RSA, il file direct dans un chariot de supermarché et une pompe à essence. C’est un cadeau déguisé à la grande distribution. Laquelle aimerait bien prendre le cadeau et ne rien donner en échange et surtout pas des charges sociales.

Pendant ce temps, les Barbares infiltrent l’Empire et s’étonnent de son peu de résistance. Deuxième citation :

L’affaiblissement de l’Etat lié  à l’affaiblissement de sa base sociale rend nécessaire à la classe dominante la recherche d’une autre organisation de son pouvoir.

Et on commence donc à intégrer les Barbares (ici, les Germains) au processus de changement. Ce qui revient à renforcer ceux qui ont intérêt à l’affaiblissement. On peut y voir le manque de mémoire du patronat. Tout au long de la construction de sa puissance, l’Etat a envoyé ses soldats calmer les ardeurs populaires. Relire Germinal. Mais ce besoin d’Etat s’est estompé. Les grévistes n’ont plus besoin d’émasculer les petits commerçants et les CRS sont loin d’avoir la virulence des lignards du siècle dernier. Le besoin d’Etat est plus diffus, plus subtil mais la subtilité ne semble pas la qualité première des représentants du patronat.

Dans la mesure où, de surcroit, l’Etat a été dilué dans l’ensemble européen qui le rejette expressément et ne prend pas le chemin de le remplacer, la destruction de l’Empire est en marche. Le problème, c’est que ce sont des processus longs. L’agonie du capitalisme va durer et les soubresauts risquent fort d’être intéressants. Que vont ils pouvoir inventer ? Pour nous grignoter, avant de se cannibaliser.

Les années à venir vont être amusantes, moi, je vous le dis.


On en reparlera…

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