jeudi 20 août 2015

LES CELTES ET LES BASQUES

Ce texte, ça fait un moment que j’en ai envie. Sauf qu’il risque de me fâcher avec un tas de copains

Ça fait un moment que je tourne autour d’une question : comment un peuple situé sur plusieurs voies de passage peut-il être considéré comme singulier ? Que les Eskimos d’Angmassalik soient un isolat, ça se comprend. Mais les Basques ? S’il y a un passage nord-sud dans les Pyrénées, c’est bien le Pays basque. Ajoutons le piémont septentrional qui conduit de Narbonne à Bayonne, la vallée de l’Ebre au sud qui va de Girona à Donostia, plus la côte, ça a circulé dans le coin !!! On m’a expliqué avec le plus grand sérieux que les Basques s’étaient isolés dans leurs montagnes. Mais ça non plus, ça ne fonctionne pas. Les montagnards, ça descend dans les vallées et on sait que 75% du vocabulaire basque a des origines latines. Il a bien fallu échanger pour en arriver là.

Je me suis baladé de l’Adour au Minho. En gros, c’est ce qu’on appelle l’Espagne verte, celle qui présente le climax atlantique. Partout, j’ai vu le même type d’habitat : des villages, le plus souvent regroupés sur des éminences, avec des rivières pas très loin, des lieux de culte près des rivières. L’occupation ancienne du sol en Galice est pratiquement la même qu’en Euskadi. Curieux.

Ces paysans sont aussi des mineurs : or (à Itxassou), fer à peu près partout, étain en Galice… Je vais pas vous gonfler de références…Pour Itxassou, voir les travaux de Béatrice Cauuet sur les mines d’or…celtes.

La toponymie vient ajouter quelques signes. Comment ne pas voir dans le nom d’Ourense (Urantia en latin) ce radical UR qui signifie l’eau et va bien avec la vocation thermale de la ville ? Comment ne pas voir dans le nom latin de Bordeaux (Burdigala) le mot basque Burdin (le fer) qui donne comme sens « le fer des Gaulois », compatible avec la première vocation de ce qui était un village de forgerons ? Quant aux finales des noms basques en « ritz », elles ressemblent fichtrement à un adoucissement du « rix » gaulois, même si Hector Iglesias préfère une origine germaine plus tardive. On peut multiplier les signes. Mes copains basques ferment les yeux et les oreilles et affirment (sans beaucoup plus d’arguments que moi) que tout ceci ne reflète qu’une formidable expansion du domaine des Basques trop singuliers pour se mêler à d’autres peuples. Tu parles ! Ce seraient bien les seuls….

Reste la langue…pas vraiment indo-européenne. Antérieure. Comme les langues celtes. Avec un bémol toutefois. Des langues celtes, nous ne connaissons bien que l’état le plus récent. Comment parlaient les Celtes continentaux au temps de César ? On sait pas trop, y compris pour les Bretons, vu que le breton actuel est apparenté aux langues celtes des Iles britanniques.

Et donc, tout est possible. Y compris que le basque soit un isolat conservé du gaulois. Hurlez pas.. Rien ne s’y oppose. Moi, y’a un truc qui m’intrigue. Le grand Jules, quand il parle de la conquête de l’Aquitaine, pas un instant il ne parle des Basques ou de la langue basque. D’accord, c’est pas lui qui s’y est collé, c’est Crassus. Mais quand même, Christian Goudineau a bien montré comment il fonctionnait : un peuple bien sauvage avec une langue bien barbare, ça aurait du lui plaire. Ben non. Pas un mot. Comme s’il était en territoire connu. Et peut être qu’il était en territoire connu. Que la langue ne lui posait pas de problèmes.

Les linguistes et les historiens sont des gens à courte vision. Ils s’excitent sur des textes (souvent truqués) et ils oublient la vie. Je vous dis ça à cause de Jean-Pierre Aren. Il m’a fait découvrir, voici bien longtemps l’alboka. C’est un instrument de musique, très ancien, à anche, avec un pavillon fait d’une corne de vache. Voici un exemple : https://www.youtube.com/watch?v=mCBv2BSnwqM

Bon, j’ai pas pris Kepa Junkera au hasard. La vidéo fait partie d’une série. Ce qui frappe mon oreille, c’est qu’on est dans un monde celte. Ecoutez les vidéos sur la trikiritxa, c’est pareil. C’est pas seulement de la musique, c’est une parenté qui se dévoile. A mes yeux, bien plus pertinente que les études linguistiques. Quand tu as la même musique, tu as le même corpus culturel. Et ça colle bien avec la géographie et l’utilisation du sol. Dans un monde de navigateurs de cabotage, de la Galice à la Bretagne c’est le même monde.

Ah ? vont dire les obsédés de l’étiquette, alors les Basques sont des Celtes ? Des Gaulois ? Peut être, peut être pas. Il y a des années de travail pour un résultat incertain et on s’en fout. Mais il fut un temps où les Basques fonctionnaient comme des Celtes, dans un monde dominé par les Celtes. Réalité sur laquelle personne ne veut travailler.

Moi, c’est une hypothèse qui me botte. Que les Basques soient les derniers Gaulois. Irréductibles, ça va sans dire. Ustarix le Gaulois. Que les racines de la Nation n’existent plus que quelque part entre Garazi et Larrau..

T’imagines que l’hypothèse fonctionne ? Que la musique remplace l’archéologie et les textes du vieux Strabon ?

Non, je ne l’imagine pas. Ce serait un séisme épistémologique parce que ça voudrait dire que des gens qui prennent leur pied ensemble sont une meilleure caution scientifique que des gens qui se foutent sur la gueule. Ça voudrait dire que le peuple qui danse doit être pris plus au sérieux que l’intellectuel qui écrit. C’est pas demain la veille….

On en reparlera….

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