jeudi 17 juillet 2014

LE CIMENT ET LES BRICS

C’est une vanne d’un économiste plutôt pro-américain. Elle est assez drôle, même si elle transpire la trouille. La trouille de voir le dollar se dégonfler comme la baudruche qu’il est.

La nouvelle n’est pas passée inaperçue. Les BRICS viennent de créer un fonds de développement qui se met tranquillement en face du FMI. Et qui vise directement les pays en voie de développement. Et donc, tous les économistes libéraux ironisent, critiquent, tempèrent. Ça va communiquer, vous pouvez me croire : la pompe à conneries est en marche.

C’est un séisme : voilà que les pays émergents (ceux qu’on appelait il y a peu « pays en voie de développement ») s’invitent dans le financement mondial. Avec pour première règle, de ne pas avoir d’exigences politiques. En clair, on te prête mais tu pourras continuer à mener une politique non-libérale si ça te chante. Peut être même que si tu fais ça, on te prêtera plus.

Avec des modalités rigolotes (pour moi,parce que Lagarde, elle doit pas aimer). N’importe quel pays pourra participer à ce fonds, mais la majorité restera aux mains des Brics. Clairement, pas la peine de vouloir prendre la majorité.

Et donc, l’arme est politique. Visiblement politique. Première étape de la construction d’une arme anti-américaine et anti-capitaliste. Les pays pauvres n’iront plus à Washington, mais à Shanghaï. Pour les Ricains, c’est une grosse claque. On leur dit d’enlever leurs pattes des pays en difficulté.

J’ai un copain banquier qui rigole. Il me dit que ce fonds disposera de 100 milliards de dollars, alors que le FMI en a 750. Exact. Mais on parle en dollars, pour l’instant. Plein de chroniqueurs « spécialisés » rigolent et trouvent de pathétiques arguments. Ils ont partiellement raison. Par exemple quand ils disent que c’est pas l’amour fou entre l’Inde et la Chine. Et alors ? Ce fonds est un mariage de raison, pas d’amour.

Moi, la question que je me pose, elle est bien triviale : que va faire la France ?

Aujourd’hui, la France est le quatrième actionnaire du FMI. Officiellement, elle défend les pays les plus pauvres, comme indiqué par le gouvernement. Là, il va falloir choisir son camp. Pas demain, d’ici à cinq ou six ans. On reste au FMI ou on rejoint le camp des nouveaux riches ?

C’est un vrai choix politique. On pourrait (on devrait) transférer tranquillement les avoirs endormis à Washington vers l’Orient. Je vous rassure, on ne le fera pas. Voilà trente ans qu’on a choisi le camp des perdants. Pour justifier ce manque de clairvoyance à long terme, on va tout entendre. Bien entendu, ce ne seront que des mots. Des mots qui n’empêcheront pas un recul inéluctable. Qui peut croire que les pays africains ne seront pas tentés par l’offre des BRICS ? Les uns après les autres, ils quitteront l’orbite du cher vieux pays, ils fileront vers l’Orient et ce seront autant de marchés perdus. Il y aura toujours des commentateurs pour justifier…
D’autant que l’avenir de ce fonds est assez facilement lisible. Il va, peu à peu, se détacher du dollar. Il participe d’une stratégie générale qui vise à recadrer la monnaie américaine. Sont pas idiots les pauvres…Ils savent bien que c’est facile de prêter quand il suffit d’imprimer du papier-monnaie. Mais, toi, ce que t’apportes en garantie, c’est pas du toc. C’est des produits agricoles, par exemple

Quand allons nous comprendre que le combat économique est perdu ? Quand allons nous comprendre que les analystes marxistes avaient raison ? Je pense par exemple à Samir Amin qui avait fort bien vu que les relations Nord-Sud s’analysaient à cette aune. Le succès prévisible du fonds des BRICS va donner raison à Samir Amin. Et tort à l’Amérique qui a réussi à nous convaincre que le marxisme athée (oui, cette dimension existe) ne pouvait pas réussir. Tout faux. Il est en train de gagner.

Ben oui, la chute du mur de Berlin ne marquait pas la fin du communisme. Y’a que les télés qui pouvaient y croire . Pour reprendre la vanne du début, les BRICS vont trouver le ciment. Et on aura un nouveau mur. Moins télégénique.

Jusques à quand vont ils nier la réalité, cette réalité qui nous explose à la gueule jour après jour ?

On n’a pas fini d’en reparler…

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