mardi 21 janvier 2014

LE DÉFI AMÉRICAIN

On l’a un peu oublié, lui…JJSS, une sorte d’Alain Minc, ami de Giscard comme de Mitterrand. Polytechnicien, journaliste, bref un homme d’influence, considéré par certains comme un visionnaire.

Tu parles ! JJSS était un simple americanophile fanatique. Normal. Un polytechnicien ne peut qu’adorer un pays dont le chiffre est la religion. Voilà, un discours lisible. Lui, JJSS détestait De Gaulle, cet homme de l’ancien temps qui parlait de la France. Quand De Gaulle fabriquait le Concorde et hissait l’aéronautique française au sommet, lui, le journaliste qui préférait les chiffres aux mots parlait de « Vietnam industriel ». C’est que ses petits copains américains n’arrivaient pas à suivre, pas financièrement mais industriellement. Avec nos moyens merdiques (comparativement) on fabriquait l’avion qu’ils étaient incapables de faire. Ne fut ce que parce qu'ils n'étaient pas sûrs que c'était rentable.

JJSS détestait De Gaulle qui reconnaissait la Chine, se barrait de l’OTAN et savait que les USA n’avaient pas leur place en Europe, sauf à détruire la civilisation européenne. Ce qu’ils firent dès qu’ils le purent, pas avec des chasseurs supersoniques mais avec des hamburgers et de l’art frelaté.

JJSS a convaincu les Français avec un livre qui fut un succès planétaire, Le Défi Américain. La thèse était simple : les USA étaient supérieurs à l’Europe, dans tous les domaines, et allaient la dominer. Il fallait réagir pour ne pas devenir une colonie américaine. Argumentation essentiellement chiffrée, budgets de recherche, efficacité commerciale, tous ces arguments que ma concierge peut comprendre.Argumentation biaisée car le désir secret de l'individu était que l'Europe devienne une colonie américaine. JJSS nous disait : "Soyons comme eux pour ne pas être sous eux". Ce qui est exactement la même chose.

A la même époque, Marcuse mettait en garde contre l’homme unidimensionnel, l’homme réduit à sa fonction commerciale et Dorst lançait son plaidoyer écolo (le premier) Avant que Nature meure. Idées contre chiffres, les idées devaient perdre.

Naturellement, le livre était bourré d'idioties faciles à comprendre. Ainsi des budgets de recherche dont le montant importe moins que l’utilisation. Beaucoup d'argent fait beaucoup de recherche, mais pas nécessairement beaucoup de découvertes. Idem pour les budgets militaires, le VietNam ne tarda pas à en faire la démonstration. JJSS saluait dans son journal l’apparition de la distribution « moderne » et n’eut de cesse que ses copains yankees interdisent le survol de leur territoire par le Concorde.

Les voyantes n’écrivent pas de livres, elles ne sont pas folles. Les polytechniciens qui se prennent pour des voyantes n’ont pas de ces pudeurs. Quarante ans après la sortie du livre, les USA sont endettés comme jamais, ils nous ont effectivement colonisés commercialement, l’avenir écologique est plus sombre que vert, mais JJS se préoccupait plus de productivité que d'écologie. En gros, la supériorité prévue a du plomb dans l’aile. Les USA nous ont envoyé le pire de leur monde et sont désormais à la remorque du reste du monde.

Dans l’intervalle, nous avons détruit beaucoup de choses. Notre système commercial, par exemple. Va te balader dans certains états américains. Tu vas faire 200 ou 300 bornes sans rencontrer un village. La première petite ville, elle a une zone de chalandise énorme. Et donc l’épicier, il agrandit son bouclard, il ajoute produits sur produits pour satisfaire sa clientèle qui vient le voir en bagnole et fait ses courses pour le mois. Il invente le supermarché. En fait, c’est pas lui qui l’invente, c’est la géographie. En France, tu allais faire tes courses à pied et si ton épicemard, il a pas ton café préféré, tu vas chez son concurrent dans la rue d’à côté et le tour est joué. Quand les distances sont faibles et le réseau commercial dense, le supermarché te sert à rien. Sauf à nier la géographie, cette emmerdeuse que les technocrates détestent.

Des territoires différents supposent des réponses différentes. Il ne s’agit pas de taille de territoire, mais d’organisation. On peut avoir un territoire vaste mais très maillé, comme en Asie, par exemple. Je ne suis pas certain que l’organisation américaine convienne aux territoires asiatiques, surtout lorsque le gouvernement porte son attention sur un développement harmonieux. Je n’ai, bien entendu, aucune réponse. Je me contente d’observer : Carrefour aura t’il en Chine le succès qu’il a eu en France ? Rien n’est moins sûr. Sauf s’il s’adapte.

Il faut parfois regarder en arrière. Quand j’écoute Minc, je pense à JJSS. Même formation, même type de raisonnement, même négation des réalités humaines, mais surtout même rejet de la Nation, même volonté de vivre dans un monde uniforme. L’Homme a t’il tellement besoin d’uniformité ? Il sait, au fond de lui, que l’uniformité est fille de l’uniforme.

On en reparlera…..

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