mardi 10 septembre 2013

LA SOUTANE ET LA BURQA

Nous aurons mis une bonne cinquantaine d’années à débarrasser nos rues des soutanes et cornettes. Encore n’y eut-il rien à faire puisque c’est le Vatican qui s’est chargé de l’essentiel en imposant de nouveaux costumes à ses serviteurs. L’époque où les vieux laïquards ricanaient en croassant au passage d’un curé enjuponné est bien terminée.

Si les vieux laïquards faisaient ça, c’est parce que ça les dérangeait de voir des signes ostensibles de religion dans l’espace public. Dans les églises ou les couvents, ils toléraient vu qu’ils n’y allaient jamais. Mais quand ils prenaient leur absinthe sur la terrasse du Bar du Commerce, ça les dérangeait. Vraiment.

On s’est débarrassé des soutanes et cornettes et voilà qu’arrive la burqa. On n’en finira donc jamais ! Il faudra donc toujours qu’un individu, mâle ou femelle, vienne nous jeter à la figure qu’il est différent de nous parce qu’il croit en Dieu. Que ce soit le même Dieu ou pas ne change rien à l’affaire.

Je pensais à ça sur la plage de La Ciotat où, pour la première fois, je voyais des dames se plonger dans l’eau enveloppées d’une ample robe noire et voilées de surcroît. Mieux encore, l’une des susdites était accompagnée d’une gamine d’une quinzaine d’années, habillée de même quoique non voilée.

Ma réflexion était pourtant incomplète car il y a entre soutane et burqa, une différence essentielle. La soutane ou la cornette sont portées par des professionnels de la chose divine, curés et bonnes soeurs, dont c’était quasiment l’uniforme ou le vêtement de travail. Quelque chose comme le tablier du boucher.

Pas la burqa. Elle est portée par des laïques, des non-clercs. La soutane marquait le clergé, pas la burqa. Raison pour laquelle elle est encore plus insupportable. Elle étale le triomphe de la religion dans le champ du personnel, de l’intime. Comme certaines breloques religieuses, même si elles sont plus discrètes (croix pour les unes, colombes du Saint-Esprit pour les autres). Comme la kippa ou les anglaises des loubavichs.

Tous ces signes sont là pour me dire que la personne que je croise n’est pas comme moi. Ou moi pas comme elle. Alors que je ne lui demande rien. Que je ne veux rien savoir d’une chose qui m’est totalement étrangère et qu’ils appellent la Foi. Entre eux et moi, tous ces gens creusent un fossé.

Et après, ils s’étonneront si j’ai des réactions excessives. Ou pas de réaction. Ce brave Dalil Boubakeur, à propos de la Charte de la Laïcité, s’offusque : « On voit bien que c’est dirigé contre nous ». Ben oui. Parce que c’est vous qui ramenez la religion sur la place publique. Les autres, ils s’efforcent de faire profil bas, plus ou moins ou plus ou moins bien. Pas vous. Vous, vous m’imposez vos voiles et vos barbes.

Mon premier voyage au Maghreb, j’avais pas vingt ans. On y allait en deuch’ ou en 4L vu que l’avion, c’était denrée de luxe. Au fil des années, j’ai vu l’emprise se renforcer, les interdits augmenter. L’Algérie des années 70, c’était assez cool. On faisait que traverser pour aller plus au Sud, mais ce qu’on voyait était plaisant. A part l’armée et la gendarmerie, mais bon, ça c’est partout. Tu voyais pratiquement que des filles habillées normalement, ni burqa, ni minijupe. La burqa, ça voulait dire que c’était une vieille. Tu pouvais commander une bière sans te faire engueuler et les mecs te laissaient pas tomber pour aller à la mosquée. Idem au Maroc, avec le kif en plus.

Ce sentiment de liberté, on le retrouve plus. Enfin, moi, je le retrouve plus. La religion est le matériau de la plupart des conversations politiques ; loin de régresser les signes religieux sont de plus en plus visibles. Tant pis. Le monde est vaste, j’irais ailleurs.

Remarque, je dis le monde est vaste, c’est juste une manière d’enfiler les clichés. Déjà que les bonzes me gavent, que les prédicateurs américains m’ont fait fuir et que les vaches ne sont sacrées que dans mon assiette, le monde, il a plutôt tendance à rétrécir, en fait.

Y’a que le village de mon enfance qui a progressé. Quand j’étais môme, y’avait un curé et un groupe de bonnes sœurs qui vivotaient en fabriquant des hosties. Tous morts et pas remplacés. Reste l’église, sympa mais qui appelle pas à la crise mystique avec ses statues de Jeanne d’Arc et du curé d’Ars (je compte pas Bernadette Soubirous, c’est une voisine). Il serait content l’oncle Adrien, lui qui rêvait de voir son village sans la Calotte. C’est fait, Tonton !!!! C’est pas beau le Progrès ?

On en reparlera…

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