mardi 29 janvier 2013

ET GOMORRHE

J’en ai plein le dos des débats sur le mariage homosexuel. Tout le monde répète à l’envie les mêmes arguments incompatibles. C’est que, comme toujours, on ne met pas les mêmes sens aux mêmes mots. Et donc chacun cancane, ricane, personne n’écoute personne et si écoute il y a, l’incompréhension demeure.

« Homosexuel » est un mot récent (1860 environ) et utilisé au départ par les médecins pour désigner une pathologie. Une pathologie ? Mais c’est le contraire d’une norme ! Ben oui.

Première question : comment disait-on avant ? Parce que pathologie ou pas (je suis pas placé pour en juger), la chose existait et il fallait bien la nommer. Je suis allé demander à un spécialiste, ce bon vieux Donatien, marquis de Sade. Personne ne peut nier son autorité en matière de langue classique. Ni de sexe.

Sade disait « sodomite ». Ça a le mérite d’être clair et précis. Le mot désigne l’acte et enlève toute connotation littéraire. Pour Sade, un pédéraste s’intéresse aux jeunes enfants (racine grecque païdos) tandis qu’un sodomite n’aime qu’un type de pénétration quel que soit le sexe du partenaire. Mais, par définition, avec certains partenaires, seule reste possible la sodomie. D’autant qu’on peut être pédéraste sans être sodomite, avec les petites filles, par exemple. Ne m’envoyez pas pédophilie à la figure, le mot est plus que tardif qui apparaît dans les années 1970.

Pour les femmes, Donatien parle de « saphisme ». Là, on a eu un glissement géographique (et ça j’adore). On est passé de Sapho, poétesse grecque de l’île de Lesbos, à l’île elle-même. Il faudra m’expliquer pourquoi l’homosexualité masculine n’a pas réussi à se trouver une icône comme Sapho. Le Giton de Pétrone est vraiment trop réducteur.

Les autres mots du corpus sont vraiment trop argotiques (tapette par ex.) ou carrément récents (inverti date de la Belle Epoque).

Ceci posé, essayons d’imaginer comment la question aurait pu être débattue à la Constituante, quand notre Code Civil a commencé à se mettre en place. Voit-on Condorcet plaider pour un mariage sodomite ? Il n’avait pas d’autre mot à sa disposition.

Je vois pas non plus Hollande mettre le mariage sodomite dans ses promesses de campagne.

Revenons donc au XIXème siècle et à la pathologie. C’est ça que nous avons dans la tête et la ligne de fracture est claire. Pour un homosexuel, l’homosexualité n’est pas une pathologie, et pour cause ! Mais pour les autres ? Le noeud de la discussion (si j’ose dire) est là. Les adversaires du mariage homosexuel ne veulent pas transformer une pathologie en norme. C’est ce qui ressort de tous leurs slogans et de tout leur discours sur l’enfant. Les partisans du mariage homosexuel refusent de considérer la sodomie comme une pathologie et veulent la transformer en norme.

Bien entendu, on baigne dans la subjectivité. Ce qui est normal pour moi n’est pas normal pour toi. Les points de vue sont irréconciliables.

Et donc, que reste t-il ? L’abandon ou le passage en force. Un camp vainqueur, un camp vaincu dans chaque cas de figure. Des traces qui ne disparaitront pas et un symbole que la droite voudra effacer dès son retour au pouvoir.

Essayons de réfléchir sur la norme, bien que je sois pas un fanatique de la chose. Biologiquement, copulation = reproduction. Si ça marche pas comme ça, c’est qu’il y a un bug. Un bug génétique, par exemple. Ou des rhésus incompatibles. La Nature dit non. Des fois, elle dit oui en te réservant une surprise, une belle maladie génétique comme l’hémophilie qui te saute à la gueule lorsque l’enfant parait. Elle est chiante, la Nature : elle ne pratique pas l’égalité. Jamais. Y’a qu’à voir le pinard.

Que la droite en appelle à une Nature forcément inégalitaire, c’est normal. L’égalité, c’est pas trop leur truc, à commencer par l’égalité des revenus. Que la gauche refuse la Nature, c’est normal aussi. La gauche, c’est le Progrès, notamment scientifique, qui va casser la gueule à la Nature anti-égalitaire.

Le problème, c’est que chaque position entraine des dérives. Le Progrès, c’est aussi les OGM et le nucléaire. La non-maîtrise de la Nature, c’est les catastrophes naturelles et les épidémies à répétition. Rien n’est simple.

D’autant moins simple qu’on nous fout le bordel dans la discussion avec des sentiments (l’amour) et des anecdotes, type couple hétéro qui tue ses gosses, alors que tout ça n’a rien à voir. Pour le coup, les psys, y compris les psys à deux balles, s’en donnent à cœur joie. Y’a ceux qui veulent qu’on ait le sens du genre et ceux qui disent que c’est pas grave.

Moi, je suis bien emmerdé. Je peux pas dire à mes copains homos que leur truc est pathologique bien que quelque part, ne pas aimer la vulve, si douce, si humide, si tendre, si accueillante, ça me paraît pas très normal. L’anus, c’est un peu sec. Et puis, c’est un sphincter, un machin fait pour se fermer, pas pour s’ouvrir. Ça vient du grec et ça veut dire « serré ». J’aime pas trop qu’on me serre le kiki.

Quand je regarde dans tous les sens, j’ai du mal à trouver ça « normal ». Mais pas pathologique pour autant. C’est juste une pratique minoritaire pour des mecs qu’ont pas vraiment le même goût que moi. Ai-je le droit de l’interdire ? A l’évidence, non. Ai-je le droit de le transformer en norme ? Peut-être pas non plus. Tolérer, ce n’est pas imposer.

Ça me rappelle un truc que j’ai fait, il y a quelques années. Je tenais un bureau de vote. Arrive, juste après la messe, une famille bien connue dans la ville, bien conformiste, bien à droite, en duffle-coat et tout. Famille affligée d’un gamin trisomique mais qui en remerciait Dieu tous les dimanches. Au moment du passage dans l’isoloir, la maman veut entrer avec le gamin. Et là, j’ai hurlé et fait un scandale. La loi prévoit qu’on y va seul. Y’a pas d’exception pour les trisomiques, c’est comme ça. Tout le monde m’a regardé comme si j’étais une sorte de monstre. Le gosse s’est mis à pleurer, les bonnes âmes préparaient déjà le pilori pour m’y clouer. Finalement, ils se sont barrés, sans voter et en me disant qu’on allait voir ce qu’on allait voir. Moi, j’ai fait noter consciencieusement l’incident sur le PV, j’avais gagné trois voix du coup. Une réputation de salopard aussi, mais ça ne me gêne pas trop.

C’est juste une règle. Personne n’est là pour interpréter la Loi, à part les magistrats vu qu’on les paye pour ça. Et si on veut l’interpréter, c’est à partir de critères juridiques, pas de critères pseudo-humanistes. Question que je me pose : et si la petite famille avait fait partie de mes électeurs ? Aurais-je réagi de même ? Honnêtement ? Honnêtement, je crois pas. Le scrutin s’annonçait serré.

La loi sur le mariage homosexuel et la PMA, c’est pareil. On mélange tout, on se démerde avec le juridique, l’humain, l’amour, on remue, ça fait une bouillie et on verra bien ce qui en sortira. Et on fera le point dans vingt ans.

Et donc, on en reparlera…

mardi 22 janvier 2013

LE WEEK-END MAUDIT

Grève des instits. Précédée d’une réunion des parents sur la réforme des rythmes. Salaud de Peillon !

Vous l’avez peut être pas remarqué, mais la réforme des rythmes, c’est un truc récent. De Jules Ferry à René Haby, y’avait qu’un rythme. Ecole le lundi, le mardi, le mercredi, le vendredi, le samedi, repos jeudi et dimanche. Vacances du 14 juillet au 1er octobre. Ça a marché 100 ans à la satisfaction générale.

Pourquoi ça marche plus ? Les enfants ont-ils changé ? Non, bien entendu. Je veux dire biologiquement et le problème des rythmes, c’est biologique.

Ça marchait parce que c’était un rythme de civilisation rurale. On allait en vacances du début des moissons à la fin des vendanges, peu ou prou. On bossait le samedi qui est un jour comme les autres.

La population s’urbanisant, il a fallu urbaniser les rythmes. Repos le samedi. Pourquoi ? Pour permettre aux parents d’aller en week-end. Du coup, jeudi devenant mercredi. Logique : travail deux, repos un, travail deux, bien symétrique. En fait, on a cassé un système fait pour les ruraux pour permettre aux parents de jouer aux ruraux. Le citadin, c’est ça. Le beurre et l’argent du beurre. La ville quand je veux, la campagne quand ça m’arrange.

A partir de là, l’argumentation devient névrotique. Les enfants doivent… Les enfants ont besoin… S’énervent vite les parents. Bien entendu, pas un n’a lu le magnifique ouvrage de Canguilhem et Boissin sur les rythmes biologiques. Les rythmes, ils connaissent grâce à TF1 et la presse dite spécialisée. Ça suffit bien pour engueuler Delanoé.

Je n’avais aucune idée des conneries proférées. Les enfants ont besoin de grand air et donc de week-end. Hygiénisme stupide. On peut vivre à Paris, passage Choiseul et avoir une croissance normale. Pourquoi passage Choiseul ? Parce que ça a donné Céline, relisez Les Beaux Draps. Passage Choiseul le week-end, médecin et grand écrivain. Ça marche. C’est pas les enfants qui ont besoin de week-end, c’est les parents qui veulent faire comme le couillon de la pub avec son barbecue et inviter les copains à boire un rosé frelaté en bouffant des merguez calcinés. Et puis, si tu juges que tes enfants ont besoin de grand air, va vivre à la campagne.

Répétons le, après Canguilhem et Boissin. L’homme est la seule espèce animale qui n’a pas de rythme biologique spécifique. Chez l’homme, le rythme biologique est individuel. Chacun le sien, y’en a qui sont « du matin » et des qui sont « du soir », y’en a qui ont besoin de sieste, d’autre pas. C’est comme ça, chacun se démerde avec son rythme. Les gosses aussi.

C’est ingérable. Alors, on a inventé ce que Canguilhem et Boissin appellent les « zeitgebers », les donneurs de temps. L’horloge et son cousin le réveil, par exemple. L’horloge pointeuse. Les habitudes sociales : les enfants doivent être couchés à neuf heures. Toute notre vision du temps est sociale, pas biologique.

Attention, c’est pas moi qui le dit. Mais quand c’est Bernard Canguilhem, fils du grand Georges et prof de Physiologie humaine à Strasbourg et son copain Jean Boissin qui a passé trente ans au CNRS de Montpelllier à étudier le problème, c’est un peu crédible, non ?

Oui, mais FR3 dit pas ça ! Ben si tu préfères écouter FR3 que deux spécialistes mondialement reconnus, t’as le droit. Et moi, j’ai le droit de ricaner.

Et donc, quand l’organisation sociale change, le temps change. Les zeitgebers changent. On avait le soleil, on le remplace par le week-end. Et on passe de deux jours de repos (jeudi et dimanche), à trois (mercredi, samedi, dimanche). Vu que les programmes diminuent pas, faut faire en quatre jours ce qu’on faisait en cinq. Et donc, on le fait pas. C’est indémerdable. C’est surtout infaisable. Alors, les gosses rament. Tu peux raconter toutes les conneries que tu veux sur les rythmes. Si t’enlèves 20% du temps consacré à l’apprentissage, rythme ou pas rythme, ton môme, il y arrivera pas.

L’abandon de la civilisation rurale, c’est pas que les tomates en janvier et l’effet de serre lié au transport de notre bouffe. C’est aussi les difficultés scolaires, la montée des cours particuliers, les parents qui se ruent sur le privé et, in fine, l’analphabétisme qui progresse.

L’abandon de la civilisation rurale, c’est le rural dans le spectacle, Julie Andrieu qui se balade dans les réserves de provinciaux si magnifiquement authentiques, les gites ruraux où la moindre pécore communicante nous refait le coup de Marie-Antoinette au Trianon. Tiens ! on devrait y penser.

En 1788, la classe dominante jouait à se déguiser en paysans. Et si on était en 1788 ? Ce serait une sacrément bonne nouvelle.

On en reparlera…

jeudi 17 janvier 2013

LAVAL, REBATET, BRASILLACH, PAQUIS

Pourquoi ces noms de morts ? Parce qu’ils ont ressuscité.

Tous ces morts, ils ont écrit sur la défaite de 40. Ils disaient tous la même chose : bien fait pour notre gueule !

Ils étaient pas seuls. Ils exprimaient un sentiment général, une sorte de doxa qui coulait dans les mots et irriguait les pensées. Bien fait pour notre gueule, les Allemands étaient meilleurs que nous.

C’est vrai ça : les Allemands, ils sont disciplinés, travailleurs, raisonnables. Ils ont le sens de la Nation, ils respectent leurs chefs et leurs patrons, ils voient le sens de l’intérêt général. Ils sont à la caserne comme à l’usine : admirables.

Nous, en face, les Français, on est grandes gueules, indisciplinés, moralement faibles, branleurs, fêtards et incontestablement socialistes. On est des Latins je-m’en-foutistes face aux tant magnifiques Germains.

Cette soupe, les médias nous la resservent tous les jours à l’envie. Pas que les médias, les politiques aussi et le patronat, et cette soupe me donne envie de gerber.

Vichy a repris le pouvoir. Et les cancrelats de tous bords viennent réchauffer le brouet de Laval, de Rebatet et de Jean-Hérold Paquis. Ils sont bons les Allemands : ils acceptent les diminutions de salaire, ils obéissent à leur chef, ils pensent à la grandeur de la Deutsche Börse. C’est reparti pour un tour : Ein Volk, ein Reich, ein Führer.

J’exagère ? Comparez. Comparez les louanges des zélateurs du Maréchal et les discours qu’on nous tient. Surtout les chroniqueurs économiques, Lenglet avec son crâne rasé de junker, ou Nicolas Doze qui aurait pu servir le Maréchal comme il sert Parisot. Ecoutez les vous tresser les louanges de la Grande Allemagne. Ils osent pas encore vous dire que Merkel, elle construit dix mille ans de bonheur, mais on n’en est pas loin.

Mais qu’est ce qu’ils veulent donc, ces rats veules ? Qu’on marche tous au pas derrière le Medef, qu’on foute à la poubelle les acquis du CNR.

Ha oui ! vous aviez oublié ! La Sécurité Sociale, les Caisses de Retraite, les nationalisations, c’est le Comité National de la Résistance qui les a créés. Les anti-fascistes, les anti-Boches, ceux qui respectaient l’homme dans sa diversité et son désir de bonheur jouisseur. Les Allemands, ils ont le droit de jouir dans la discipline si ça leur chante, moi je préfère la jouissance dans le bordel.

Pensez-y. Chaque fois que vous entendez un clampin chanter les louanges du Grand Reich (en novlangue, on dit Allemagne réunifiée), chantez dans votre tête « Maréchal, nous voilà ». Regardez la tête du mec, imaginez le à Vichy en train de quêter les prébendes de Laval, l’homme qui préférait le national-socialisme au socialisme tout court. Tout admirateur de l’Allemagne est un milicien en puissance.

J’admets. Ils ont gommé la dimension aryenne et antisémite. Je ne suis pas sûr qu’elle ne soit pas prête à revenir. C’est juste que les temps ne s’y prêtent pas. Par contre l’anti-bolchevisme est déjà là. L’Allemand ne partage pas.

Il partage pas les baffes non plus. La dimension militaire de l’Europe, c’est plus que les vainqueurs de 45, Anglais et Français. Le reste, pipi de chat… Le reste fait du fric à l’abri de nos armées.

Tout est pareil : la droite prétendument nationaliste admire la nation voisine. L’Europe justifie désormais la collaboration.

Ho ! On n’est plus en guerre contre l’Allemagne. Ben, si. On est en guerre économique. Alors, on admire leurs économistes, comme en 40 on admirait leurs militaires. Rien ne change.

On en reparlera…

samedi 12 janvier 2013

ETRE PRIS POUR UN CON-2

Comme le dit joliment Blandine Vié, c’est une évi-table. Non pour la cuisine qui m’a plutôt séduit, non pour les prix tout à fait adaptés au niveau de qualité, non pour le décor, sobre et agréable.

Parce qu’on vous y prend pour des cons. Déjà, un patron qui ne fait pas la cuisine et vous annonce qu’il est « marchand de bonheur », ça sent le discours convenu, le mec qui répète les textes de son site.Mon copain Christian Parra, avec ses deux macarons, il se disait "aubergiste", et ça suffit bien pour faire le bonheur des gens.

J’hésite devant un aloyau étiqueté « Aberdeen Angus ». Je ne connais pas le bœuf britannique et je me méfie. Ces gens-là font volontiers bouillir la viande, c’est qu’elle doit pas être terrible. Et là, j’ai droit à un discours qui commence à la grand-mère du patron, écossaise, comme le bœuf, et à une descente en flammes du Charolais et de la Blonde de Chalosse., comme quoi c’est vachement surfait à côté de l’Angus écossais qui bénéficie du climat de l’Ecosse, des pâturages toujours verts et j’en passe. Va pour le bœuf en kilt sauce bourguignonne.

J’ai pas été bluffé. Viande goûteuse, certes, un peu grasse, pas trop persillée, pas de quoi réclamer l’indépendance de l’Ecosse. La sauce bourguignonne m’a ravie, un poil trop réduite, et donc un poil trop salée, mais j’adore ça. J’en ai fait compliment au chef qui, dans la conversation, m‘a indiqué que l’écossais venait d’Australie. J’ai vérifié : effectivement, le troupeau écossais est pas trop important (10 000 têtes) et le gros producteur d’Angus, c’est l’Australie. Là, on est plus dans le crachin d’Aberdeen. Pourquoi mentir, bon Dieu ?

Après, ça s’est carrément gâté avec un brebis Ossau-Iraty. Le mec, il avait pas trop de bol, la brebis des Pyrénées Atlantiques, je suis un quasi-ayatollah. J’ai eu droit à quelques copeaux d’un fromage tout blanc, trop moelleux, sans goût prononcé. Sur la carte, c’est marqué « brebis d’estive ». Or, au cas où vous ne l’auriez pas remarqué, on est en janvier. Les brebis sont redescendues depuis septembre. Du moins, en vallée d’Aspe. En janvier, normalement, on finit le stock de l’été précédent et on peut espérer des fromages bien jaunes, un peu ocres et qui commencent à piquer sous la langue. Pour « améliorer » le fromage, le serveur m’apporte…une bouteille d’huile d’olive ! Que celui qui a vu des oliviers en vallée d’Aspe lève la main. Je m’énerve un peu parce qu’on m’a déjà dit que les Aspois, conduits par Jean Lassalle, ont demandé une AOP spéciale pour leur fromage qui est le meilleur de l’AOC Ossau-Iraty. Faut être gonflé pour asséner des conneries pareilles ! Les Souletins vont apprécier.

Je m'étonne, je lui demande s'il connait Jean Lassalle. "Ma grand-mère est de là-bas" qu'il répond. Je la croyais écossaise, mais après tout, on a tous deux grands-mères.

Après quoi, le patron, il commence à fuir un peu vu qu’il a reniflé le casse-couilles et je lui dis que son fromage est trop jeune et que je doute de sa qualité d ‘« estive ». Et là, j’ai droit à l’explication la plus con qui soit : il paraît que la transhumance a été plus tardive et qu’il a plu en juin. C’est possible, mais ça ne change rien. Fais un fromage en août dans ton cayolar, laisse le sécher et tu verras le goût qu’il aura en janvier !

Je passe sur le serveur qui m’a affirmé que le chef broyait lui même ses fèves de cacao pour faire le fondant au chocolat. Là, j’ai su qu’on me prenait vraiment pour un con. On en a déjà parlé (http://rchabaud.blogspot.fr/2012/12/noel-et-chocolat-bon-on-va-sen-gaver.html)

Encore une fois, la qualité de la table n’est pas vraiment en cause. Encore que 10 € pour 100 g de fromage qui vaut 20€ le kilo, c’est pas donné. S’il était bon, je comprendrais. Là…

J’ai envie de dire à ce mec de mettre un bémol. D’être un aubergiste, pas un marchand de bonheur. D’arrêter son baratin minable qui ne trompe que les imbéciles. D’être simple. C’est une qualité, la simplicité.

Je comprends bien qu’il doit justifier ses prix, mais pas au prix d’une rafale de mensonges, d’à-peu-près et de fausse rusticité. Il fait comme tout le monde : il va à Rungis où il y a beaucoup de bons fournisseurs mais très peu de fournisseurs exceptionnels. J’ai envie de lui dire d’aller voir Françoise Etchebarne à la Madeleine ou Mikel Dunate à Ayherre, de se faire copain avec eux et de se faire envoyer du fromage de qualité. Ça lui évitera de devoir sans cesse inventer des conneries qui n’impressionnent que ceux qui se laisseront toujours impressionnés.

Faut dire que rue des Martyrs, la population est sacrément impressionnable. D’ailleurs les regards que me lançaient les convives de la table d’à côté en disaient long.

Je suis vraiment un casse-couilles.

On en reparlera…

vendredi 4 janvier 2013

ET ÇA LES ETONNE !!!!

Branle-bas médiatique ce matin : Virgin est en dépôt de bilan. Alors, ça filme, ça interviouve. Comment est-ce possible ?

Je sais pas si vous avez remarqué, mais à chaque coup éditorial, les télés, elles filaient vers le Virgin des Champs-Elysées où un jeune homme bien mis expliquait doctement le succès de Harry Potter ou des 50 nuances de gris. C’est bien, coco ! On parle de livres, tu interviouves un libraire ! C’est pro….

Là, on interviouve les responsables syndicaux. Les mecs, ils pestent, ils râlent, mais ils se demandent pas si ce qu’ils appellent une librairie en est vraiment une. Ils sont libraires. Libraires autoproclamés, vu qu’ils vendent des livres. Tu vas chez Virgin, tu parles à un vendeur, il te faut dix minutes pour comprendre que c’est pas un libraire que t’as en face de toi. Un vendeur certainement. Un magasinier, tout à fait. Mais pas un libraire. Pas un mec qui connaît le livre, qui peut te sortir trois éditions d’un texte. Tiens, vas dans un de ces magasins, choisis. FNAC, Virgin, Cultura, ou un hyper. Demande un bon livre, d’un bon auteur, par exemple les Contrerimes de Paul-Jean Toulet. Tu verras combien te le sortiront.

Je prends pas l’exemple au hasard. Les vendeurs, y’a quelques années, ils faisaient des piles avec un livre de Raphaelle Billetdoux : Prends garde à la douceur des choses. Un vrai best-seller, un truc qui a dépassé les 100 000. Le titre est un vers de Toulet, extrait justement des Contrerimes. Combien le savaient ? Et combien s’en souviennent aujourd’hui ?

Les syndicalistes de Virgin ou de la FNAC, ils ont pas fait leur boulot de syndicalistes, ils ont jamais interpellé leur direction pour lui dire que le fonctionnement de leurs machines à vendre dévalorisait leur savoir de libraire. Mais avaient-ils ce savoir ? Avaient-ils le sens de la culture ? Quels syndicalistes ont interpellé Pôle-Emploi pour s’indigner que la librairie soit considérée comme un métier de loisirs ? Aucun. Ils se foutent totalement des livres et de ce que représentent les livres.

On en a déjà parlé (http://rchabaud.blogspot.fr/2012/10/la-fnac-rome-le-luxe.html). Les vendeurs de Virgin, y’a qu’un truc que j’ai envie de leur dire : bien fait ! Vous allez vous retrouver à Pôle-Emploi qui va vous proposer d’aller chez Decathlon ou Joué-Club. Vous y ferez le même métier, réceptionner des trucs commandés par des ordinateurs, gérer des stocks en fonction des statistiques de vente et faire des piles de ce qui se vend aujourd’hui. Sauf que vous pourrez plus vous coller l’étiquette culturelle qui semble tant vous exciter aujourd’hui.

Y’a un syndicaliste qui dit : « Notre disparition va profiter aux petits ». Il a tort. Il y a des milliers de petits libraires qui fonctionnent comme eux. Au lieu de faire des piles de Lattès, ils font des piles des Arènes, mais ils font des piles quand même. Des piles de nouveautés. Ils ont gommé allégrement ce qui fait la réalité du livre : sa dimension historique. Qui, à la sortie des 50 nuances, a eu le culot de faire des piles d’Histoire d’O et d’expliquer aux clients qu’ils pouvaient choisir l’original de l’histoire, mieux écrit, plus fin, plutôt que de se précipiter vers un pâle plagiat ?

Mieux encore : qui a expliqué qu’entre la réédition du livre de Dominique Aury et l’original paru chez Pauvert, il y avait un monde, le monde qui sépare le plomb de l’offset ? Tout le monde sait que la frappe du plomb est plus nette mais moins régulière, que le papier est différent, plus sensuel au toucher, qu’on trouve parfois les minimes chiures de mouche faites par l’encre qui jaillit au moment de la frappe du plomb sur le papier. C’est le même texte mais ce n’est pas le même livre. En plus, l’original est cousu, pas collé. Et libraire, ce n’est pas vendre des textes, c’est vendre des livres.

Libraire, c’est ça. Ne pas vendre un livre, mais comparer, offrir la comparaison au client, entre deux (ou dix) textes et entre plusieurs versions du même texte. Mais il faut de la place ? Oui. Les librairies ne sont pas extensibles. Pas aux Champs-Elysées, c’est certain, loyer oblige. Ailleurs, oui. Et les vrais libraires le savent (http://rchabaud.blogspot.fr/2011/09/au-bonheur-des-livres.html). Les vrais clients, aussi.

Pas la peine de me dire que je suis méprisant. On me l’a déjà dit. Il ne faut pas confondre mépris et vergogne. Dans le monde culturel, un peu de vergogne ne messied pas. Dans le monde culturel, l’essentiel est le savoir et le savoir conduit à prendre de la hauteur. Forcément, le regard change.

Ho ! disent les spécialistes de la culture quantitative. C’est la musique qui plombe Virgin, pas le livre. Mais c’est pareil, mes petits lapins. Quel disquaire chez Virgin peut parler musique ? Proposer cinq éditions des Noces de Figaro ? Te dire que Karl Bohm conduit parfaitement, colle sensuellement à la partition, mais que Kiri Te Kanawa est une comtesse parfaite ? Ou te proposer le CD de Karl Bohm et la vidéo de Ponnelle qui en est un parfait complément ? Je te fais chier avec mes références classiques ? No problem. Cherche donc un disque d’Elmore James, le maître du slide. The sky is crying, par exemple. Cherche la discographie de Chavela Vargas, la plus grande chanteuse mexicaine du siècle. Ou Mercedes Sosa. Ou John Lee Hooker qui a tant inspiré les Rolling Stones. Tu trouveras trente titres des Stones et, au mieux, un John Lee Hooker. Parce que c’est pareil. Aucune musique ne sort de rien et le bonheur, c’est de retrouver les filiations, de reconstruire l’histoire de ce qui te fait vibrer, pas pour le plaisir de savoir, mais pour comprendre pourquoi tu vibres, pour mieux te connaître. Tu t’en fous aussi ?

Tu t’en fous de vivre dans un monde sans profondeur historique ? Tu t’en fous de vivre l’instant présent comme un chacal qui cherche une charogne jusque parce qu’il a faim maintenant. Je dis pas ça par hasard. C’est ce que font tous les mecs qui bouffent un bout de pizza sur un bout de trottoir, parce qu’ils ont faim maintenant et qu’ils sont incapables d’inscrire leur faim dans un processus temporel qui passe par l’achat de la nourriture, sa préparation, sa présentation et son inscription dans un monde social où l’heure du repas n’est pas indifférente. La culture, c’est juste le contraire de ça, c’est le refus de la satisfaction immédiate, de l’impulsion animale, de la pseudo-spontanéité qui te décroche du monde pour te faire vivre dans une bulle où ne compte que ton ego, rabougri parce qu’il est coupé de tout.

On en reparlera…

mercredi 2 janvier 2013

OMAR ET DENIS

Voilà la nouvelle de ce début d’année. Omar Sy est la personnalité préférée des Français.

Il n’est venu à l’idée de personne que ce n’était pas Omar que les Français aimaient mais le personnage qu’il joue dans Intouchables. Pas Omar, mais la défroque qu’on lui a collée sur le dos.

Pour tous ceux à qui j’en ai parlé, c’est pareil. Omar EST son personnage. Ben non. Pas plus que Gérard Philippe n’est le Cid ou Gérard Depardieu Cyrano.

L’acteur n’est pas, n’a jamais été son personnage. Personne ne le dira mieux que Diderot (Denis) dans Le paradoxe sur le comédien. Le comédien N’EST pas son personnage, il JOUE son personnage. Il enfile un habit. Si Omar était resté le pathétique pantin du SAV, la seule émission drôle qui ne fait rire personne, il ne serait pas aujourd’hui la personnalité préférée des Français. Ce serait, par exemple, Anthony Kavanagh ou Pascal Légitimus (c’est juste deux noms qui me viennent comme ça).

Cette assimilation inconséquente de l’acteur et de son personnage bouffe la tête de tout le monde, ou presque, au point de faire oublier ce qu’est un acteur. On demande aux acteurs de jouer ce qu’ils savent jouer, d’utiliser une seule corde de la harpe des sentiments et des situations. Si Omar était un acteur, un vrai, il pourrait jouer Lorenzaccio ou Rodrigue. Ouah ! vont bêler ceux qui bêlent. C’est pas des rôles pour Blacks. Non. Mais l’Aiglon n’est pas un rôle pour femme et il a été créé par Sarah Bernard. Un vrai, un bon acteur black, peut jouer Rodrigue et me faire oublier, par son jeu, par sa diction, qu’il est un peu plus bronzé que Rodrigue Diaz de Bivar. Comme un Blanc peut jouer Othello qui est Black.

Il y a un mot pour ça : contre-emploi. Le mot qui veut dire qu’un vieil acteur peut jouer un jeune amant. Mais ça, on supporte plus. Un des derniers exemples a été ce malheureux Bigard avec son Bourgeois gentilhomme. Il était très bon, Bigard, en Monsieur Jourdain. Il savait parfaitement faire ressortir la vulgarité profonde du personnage, son côté parvenu qui est la clé du rôle. Il n’était même pas à contre-emploi. Sauf que le couple Bigard-Molière ne fonctionnait pas dans la tête des spectateurs et des critiques. Bigard, on l’attend en pétomane de Stade de France. On ne veut le voir que là. Quand t’es dans un emploi, tu n’as plus le droit d’en sortir.

C’est aussi la clé du scandale Depardieu. Depardieu, tout le monde le voit dans des rôles sympathiques de prolo bon vivant. Et il nous balance dans la gueule qu’en vrai, il est pas comme ça. Ben non, il est acteur. En vrai, il est pas comme au cinéma. Et ça vous étonne ?

Comme ça vous étonnerait si une star du porno affirmait que, dans la vraie vie, elle est frigide. C’est pas possible !!! Non seulement, c’est possible, mais c’est préférable vu que c’est ça qui montre ses qualités d’actrice.

Tout ça pour dire qu’on est dans le bordel intellectuel le plus complet. La société du spectacle fonctionne si bien que toute discrimination est impossible. Ceux que ça arrange, c’est les politiques. Le rôle efface l’homme et il importe plus d’affirmer que l’ennemi, c’est la finance, que de lutter contre la finance. Suivez mon regard.

Moi, ça me gène. Ça me gène parce que j’ai décidé d’être spectateur du monde et que je n’ai plus les clés pour apprécier le spectacle.

Je repense, encore et toujours, à Stanislavski, le plus grand metteur en scène du XXème siècle. Pour choisir ses élèves, Stanislavski avait un truc imparable. Il installait une porte sur une scène vide et s’installait face à la porte. L’élève devait la franchir trente fois avec un seul mot de texte : « Bonjour ». Avec ce seul mot, il devait faire passer trente émotions ou trente situations différentes. S’il y arrivait, le maître consentait à le faire travailler et progresser.

Omar Sy aurait-il réussi ? Si vous ne pouvez pas répondre OUI, alors Omar Sy n’est pas un acteur. Quand vous jugez qu’un mec (ou une nana, je suis pas sexiste) pouvait satisfaire à l’épreuve de Stanislavski, vous savez que vous avez à faire à un acteur (ou une actrice).

OK, ça éclaircit les rangs. Mais vaut-il mieux peu et bien que beaucoup et médiocre ? Répondre à ce genre de questions vous situe. A vos yeux, je veux dire.

Bon. En attendant les Français préfèrent Omar Sy à François Hollande. Ils progressent, les Français. Il y a dix ans, c’est l’Abbé Pierre qu’ils préféraient.

On en reparlera….