jeudi 26 décembre 2013

COMBATS DE COQS

Je n’aime pas les combats de coqs. Pourtant, je me battrais pour les défendre. Becs et ongles, je me battrais. Si j’ose dire…
Je le ferais parce que je suis libraire. Je le ferais parce que j’ai passé ma vie à essayer de transmettre du savoir, de l’histoire, de la connaissance et que les combats de coqs font partie de ce savoir. Ils ont à m’apprendre leur histoire, pourquoi ils passionnent certaines sociétés et laissent les autres indifférentes, comment ils se sont propagés et par qui. Ils ont à m’apprendre sur l’homme, mon semblable, mon frère. Même si je n’ai ni ses idées, ni sa culture, ni ses goûts, c’est avec lui que je partage le monde. Même Hitler ? Ben oui. Avec Hitler, j’aurais pu échanger : des mots, du sang, des organes, de la musique, des baffes. Avec un poulet, rien. Même si c’est un coq.

Ce poulet, il me fait penser aux poulets qui arrivaient de la ferme le samedi matin. La vieille Pascaline les attrapait, plouf ! sous le coude, et leur coupait la langue d’un geste précis. Le sang s’écoulait dans un bol, le volatile battait des ailes en éructant. C’est sûr qu’il devait dérouiller. Quand le bol était plein de sang, l’oiseau était mort. Bon à plumer pour le déjeuner du dimanche. Et pas que le déjeuner. Le dimanche matin, c’était le rituel de la sanquête. Le sang qui cuisait dans une poêle avec de l’ail et faisait une sorte de galette rougeâtre. C’était le petit déjeuner des hommes, avec moi, le plus petit, prioritaire. Beaucoup de sang, beaucoup d’ail pour me permettre de devenir un homme. Aujourd’hui, ceux qui veulent goûter la sanquête vont à Bordeaux, au restaurant La Tupiña. 20 euro, service non compris. La modernité, c’est le poulet électrocuté chez Père Dodu. C’est sûr qu’il bat plus des ailes en poussant des gloussements de douleur.

La sanquête, ça renvoie à pas mal de choses : l’idée que la manducation du sang, c’est bon pour les enfants, sang du poulet ou sang de l’ennemi, par exemple. Une vieille chose qui transite dans pas mal de communautés humaines, de l’Amazonie à la Gascogne. Ce poulet qui se vide de son sang me rapprochait, mais je ne le savais pas alors, de peuples autres, totalement différents mais avec lesquels, en tant qu’être humain, j’avais des choses à partager.

Il ne faut pas se tromper de combat et le seul qui vaille, c’est l’homme. OK, il est barbare, violent, égoïste, raciste, méchant. Moi aussi. Ça se voit pas parce que je fais des efforts, je me tempère, je me raisonne, je me lisse, je me police. Pas au point toutefois de m’émouvoir sur un poulet. Et surtout pas sur un coq trop maigre pour faire un coq au vin correct, ce qui est le cas de tous les coqs de combat. S’il y a un scandale, il est là : on tue des coqs trop maigres pour être bien cuisinés.

Je suis libraire. Au début de ma généalogie, il y a Gutenberg, Dolet, Elsevier, tous ceux qui depuis la fin du XVème siècle ont consacré leur vie, leur intelligence, leur énergie à transmettre du savoir, de la connaissance, de la rigueur. Pas de l’affect ou l’amour compassionnel et universel du poulet. Ceux qui ont privilégié et privilégieront toujours les boyaux de la tête contre la tripe du cœur.

Je suis libraire : les éditeurs m’inondent de carnets de voyages dégoulinants de bons sentiments, bondés d’enfants aux grands yeux qui font battre le cœur. Pas toujours comme dans la vie : la seule fois de ma vie où j’ai été braqué avec un couteau sur le bide, c’était à Bilbao, par deux petits Gitans aux grands yeux. Mon cœur battait. De trouille.

Je suis libraire : je suis inscrit dans une histoire, je sais que les livres du jour plongent leurs racines dans les livres d’hier et que mon travail consiste à démêler ces parentés, à retrouver ces cousinages, à séparer le bon grain de l’éternel et l’ivraie de l’obsolète. A trier, à sélectionner, à choisir, à censurer.

Censurer !! le mot est dit… Ben oui…Quand je refuse de vendre un livre pour un motif qui n’appartient qu’à moi, je censure. Même que des auteurs me l’ont dit, que je les censurais. J’assume. J’ai trop le respect de mes clients pour leur vendre des sous-merdes médiatisées. Je l’ai dit à ces mêmes auteurs, on a discuté de leurs livres, en général ils sont partis pas convaincus, ou convaincus que j’étais méprisant ou que je surestimais ma clientèle. Ce qui est exact. Un bon commerçant, c’est quelqu’un qui apprend de ses clients

Ben oui, quand je lis le travail d’un mec qui a passé vingt ans de sa vie à piocher un sujet, le journaleux qui croit avoir fait le tour de la question en trois semaines me fait rire. Au mieux. Le plus souvent me fait de la peine. Je suis libraire. Mon boulot, c’est de repérer les lacunes, les manques, les oublis. C’est comme ça qu’on peut vendre d’autres livres. Mon boulot, c’est de traquer l’insignifiance, les à-peu-près, la médiocrité que l’on devrait bannir du monde de l’imprimé, surtout aujourd’hui… Avec des gens qui avouent plus de cent titres au compteur quand Flaubert n'atteint pas la dizaine.

Mon boulot, c’est de savoir que si on baisse les yeux sur un livre, c’est pour mieux voir ce qui est au-dessus de sa tête.

On en reparlera…

PS : on ne dit pas « Gitans », on dit « gens du voyage ». Comme disait Coluche : « on ne dit pas Con, on dit Malcomprenant ».

PS2 : et le plaisir ? Le plaisir est dans la sélection…des livres, des amis, des femmes et des vins..

dimanche 22 décembre 2013

IL EST L’OR

Vous vous souvenez ? Montand réveillant De Funès dans La Folie des Grandeurs. Il est l’or…..

Nous y voilà… Il est l’or. Le poste essentiel du monde virtuel est lourdement menacé et ce poste, c’est le fric. On va pas refaire l’histoire économique depuis Bretton Woods mais quand même…Près de soixante ans qu’on vit sur une monnaie bidon imposée par les armes. Le dollar. Au départ, il devait être ce qu’est une monnaie : une contrepartie. Pour garantir sa valeur, les USA devaient garder des réserves d’or équivalant au montant des dollars en circulation. Mais vous savez ce que c’est ? On a besoin d’argent pour garantir la liberté du monde, alors la contrepartie…Et tout le monde approuve, parce que ça arrange tout le monde. Tout le monde a peur du communisme, alors tout le monde envoie son fric aux States, histoire d’aider le grand frère à nous protéger. Et tout le monde accepte que le grand frère s’endette. C’est pour le bien du monde libre, n’est-ce pas ?

Le résultat, c’est que les Ricains annoncent un stock d’or de 10 000 tonnes, soit un peu plus de 400 milliards de dollars au cours du jour. En face près de 20 000 milliards de dettes. Y’a comme un décalage.

Et donc, depuis la mort officielle de Bretton Woods, on vit dans un bain de fric qui ne correspond plus à rien. La monnaie n’est plus une contrepartie mais un bien en soi.

Heureusement, il y a la Chine. Depuis des années, l’Occident demande à la Chine de re-évaluer sa monnaie. Pourquoi faire ? disent les Chinois. Et surtout : évaluer par rapport à quoi ? Les autres monnaies s’apprécient par rapport au dollar qui, lui, s’apprécie par rapport à rien… Ça leur plait pas trop aux Chinois, c’est pas leur truc, y’a pas si longtemps qu’ils ont abandonné les lingots d’argent et les ligatures de sapèques du juge Ti. Et puis, le papier, c’est eux qui l’ont inventé, alors ils en savent la valeur..

Et donc, depuis des années, les Chinois stockent de l’or. Au début, on pensait que c’était pour les utilisations industrielles. Et puis quand même, ça faisait beaucoup. Aujourd’hui, ils en sont à racheter des mines chaque fois qu’ils peuvent. Tout le monde est d’accord : la Chine accumule l’or. Et ne dis rien sur ses réserves. Depuis des années, les Chinois annoncent la même quantité. Tous les analystes sont d’accord, le chiffre est faux. Mais de combien ? Là, c’est la bouteille à l’encre. Tiens, tu prends une société de droit français mais à capitalisation chinoise qui possède des mines d’or en Afrique. Les lingots qu’elle stocke, ils sont africains, français ou chinois ?

Le gouvernement chinois encourage le stockage d’or par les particuliers, c’est du stock chinois mais pas du stock d’Etat.

Ceci dit, on va savoir. Yi Gang, vice-gouverneur de la Banque Centrale de Chine, vient de le dire. « Nous ne sommes plus en faveur de l’accumulation de réserves de change ».

En clair : nous pouvons utiliser notre propre monnaie pour payer nos factures. Les économistes sont soulagés : le yuan va rentrer dans le système mondial, il va se réévaluer, la compétitivité chinoise va en prendre un coup.

Ha oui ? Hara-kiri, c’est japonais, pas chinois.. Le yuan va revenir dans un système mondial, mais pas dans celui-là, outrageusement injuste pour tout ce qui n’est pas dollar. Et donc, on va enfin savoir. Connaître le stock chinois, mais aussi le stock américain. La Chine n’a pas accumulé de l’or pour le plaisir. La partie va bientôt s’achever, les joueurs vont devoir faire tapis. Il va falloir revenir au matériel, qu’il y ait de l’or en face du papier. Un contrôle international. Montre des lingots, Barack. On compte et on dit combien vaut vraiment un dollar.

On n’est pas au cinéma et ça ne va pas se jouer comme ça. Les Chinois sont gavés de dollars. Ils peuvent accepter de perdre de la valeur, mais pas trop quand même. Le système économique leur convient, grosso modo. On va pas le détruire en deux coups les gros. Et donc, on va commencer par négocier sur le système. Ce faisant, la Chine montrera sa volonté de collaborer.

En face, les States peuvent tout simplement pas accepter que le système change. Ils se trouveraient ruinés en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire. C’est valable pour toutes les puissances financières, notamment les banques assises sur des milliards de dollars planqués dans les paradis fiscaux. T’imagines ? T’as passé des années à accumuler des dollars bidons aux Iles Cayman et on te dit que ça vaut plus rien ?

Mais z’alors, les emplois détruits, les usines démembrées, les peuples à la ramasse, c’était pour du beurre ? Faut croire….

Parle de ça à des « responsables », tu vas voir comment tu vas te faire jeter. Meuh non !!! C’est pas possible !!!! C’est du délire !!!!

Fais comme moi. Pose ton cul et attends. Tu vas voir l’évolution, tranquillement. L’évolution ou la révolution. Parce que les States, ils ont compris que la partie allait s’achever. Ils y ont mis le temps, mais je crois que c’est fait. Ils ont aussi compris que, pendant qu’ils jouaient les matamores au Moyen-Orient, la Chine se renforçait. J’ai tendance à penser que les Diaoyu vont jouer leur rôle. C’est rien les Diaoyu, rien qu’un symbole. Les States vont-ils intervenir pour aider leur allié japonais ?

Dans tous les cas de figure, les USA vont finir à poil…. Il est l’or….

On en reparlera…

vendredi 20 décembre 2013

LE TERRITOIRE DU RUGBY ET CHABAL

Bon, faut pas exagérer. J’ai vu la video. Le mec d’Agen, il joue pas le ballon. Il essaye d’empêcher Chabal d’aller sur le regroupement, en l’attrapant par le maillot. L’autre l’oblige à lâcher… Sans délicatesse excessive, c’est vrai, mais il est dans son bon droit, on joue le ballon, pas le maillot. Mieux encore, il est dans l’esprit du rugby où les petites tricheries se payent comptant sur le terrain.

L’esprit du rugby…. Il en demeure des bribes qui font qu’on s’accroche, qu’on imagine, qu’on se souvient et qu’on rêve. L’esprit du rugby, c’est cette sorte d’étincelle prométhéenne qui va permettre à une équipe d’inverser un résultat dans les trois dernières minutes. L’esprit du rugby, c’est Cyrano…

Didier Deschamps, né dans une terre où les ballons ne sont pas ronds, a déclaré une fois qu’il avait abandonné le rugby quand il s’était aperçu que ses adversaires étaient plus grands que lui. Il était trop limité pour savoir que, de Caillou à Boniface, en passant par Mias et quelques autres, les petits gabarits avaient leur place dans leurs équipes.

Pourquoi ? Parce que ce sont des équipes. Avec toi, il y a autant de grands qu’en face. C’est pas toi qui compte, c’est l’ensemble. Un ensemble où il y a des gros qui percutent et des petits qui se faufilent. Un ensemble où un petit avec un grand pied marque plus qu’un gros avec de larges oreilles. Une bonne équipe, c’est ça : la diversité au travail.

L’esprit rugby, c’est aussi la Marseillaise braillée avant le match. Parce que le rugby, c’est un territoire. Quand t’es en équipe de France (dans le foot, ils disent EDF parce qu’ils aiment les acronymes et le langage monosyllabique), ton territoire c’est la France. Quand t’es en bleu et blanc, ton territoire, c’est Jean Dauger et tu brailles « Allez, allez, les Bleus et Blancs… ». Le rugby, c’est un territoire et donc, c’est chauvin.

Bon, ça c’est plus tout à fait vrai… Tu peux pas être chauvin avec des Fidjiens aux noms imprononçables. Quand j’étais petit, les noms étaient faciles à retenir et à crier : Unhassobiscay, Etchezaharreta ou Irazabal. Aujourd’hui, en équipe de France, y’a qu’Harinordoquy qu’on puisse mémoriser en deux secondes… Et Chabal dont on parlait plus haut, vu qu’on a la même étymologie lui et moi. Pas la carrure, hélas !

Mon copain Laurent m’écrit que son fils a commencé le rugby. Je l’envie, Laurent, nos fils ont quasi le même âge et le mien ne fera jamais de rugby, pour cause de territoire inadéquat. Bien sûr qu’il pourrait aller dans une quelconque banlieue jouer avec des mômes inconnus et sans bistro connu pour me servir de salle d’attente. Ce qui me console, c’est que Laurent est dacquois, et donc son fils sera jamais un grand joueur. Oui, j’ai écrit « donc », ça gêne ?

Mon fils, je l’ai emmené à Jean Dauger, il y a un an. Bien entendu, il a adoré. Il avait son drapeau albiceleste, il rencontrait mes copains qui me faisaient la bise, qu’il ne connaissait pas et qui le traitaient d’emblée comme un membre de la famille. Et un grand de surcroît. En plus, on a perdu mais c’était pas grave. Et on est allé boire un coup chez Gorka.

Ça fait nostalgie, tout ça, comme quand j’allais avec Aitatxi boire un coup chez Charlot Martine en descendant du Parc des Sports (on l’avait pas encore baptisé). Ça fait aussi repères, une sorte de GPS mental, un peu déréglé à cause des Fidjiens mais qui indique quelques directions, vaille que vaille.

C’est pas moderne : je sais pas si t’as remarqué mais y’a plein de jeux de foot pour consoles, mais pas de jeu de rugby. C’est pas universel : tu fais une Coupe du Monde, t’as du mal à regrouper plus de dix équipes de bon niveau. C’est pas poli : on se marche un peu sur la gueule et plus si affinités. C’est compliqué avec ces arbitres qui désignent l’équipe à qui profite la faute au lieu du joueur coupable. Ça marque pas toujours le même nombre de points : un coup, c’est deux, un coup, c’est trois, un coup, c’est cinq.

Et puis, regarder toujours en arrière avec un ballon qui va où il veut quand tu le lâches. Et puis, applaudir un beau mouvement de l’adversaire, pas siffler comme un con pour déstabiliser l’autre, celui qui va t’en passer trois comme une fleur. Ce qui n’est pas incompatible avec le chauvinisme qui est une manière de défendre les siens, pas d’attaquer les autres.

Avec tout ça, comment veux tu qu’on se sente pas membre d’une caste ? Pire encore, comment veux tu qu’on se sente pas indigène d’un territoire ?

Ça nous emmène loin de Chabal. Pas tant que ça…Ce qu’on lui reproche à Chabal, c’est de donner une image rustique du rugby. Une image pas civilisée. Alors que c’est tout le contraire. Une des plus belles images de civilisation que j’ai vues, c’est un banquet organisé par Doxpi à Espelette pour les premières lignes de l’Equipe de France. Il y avait de l’Histoire, de la Gastronomie, de la Musique, de l’Amitié, du Respect, de la Force…tout ce qui fait qu’un peuple est civilisé.

On en reparlera…

PS : pour être clair, en France, le territoire du rugby, c’est le bassin de la Garonne et la rive droite méridionale du Rhône, les terres de Cyrano… Lo demas, tierras conquistadas. Et je dédie ce texte à Jasmine, pour son grand-père, grand entraîneur du PUC et Dacquois, but nobody's perfect.

mardi 17 décembre 2013

LA PIRE PUB DU MOMENT : LA FNAC

Ils se disent « agitateurs culturels » mais ils ont oublié d’ouvrir un dictionnaire. Ils doivent plus en vendre, à cause de Wikipedia.

La dernière pub de la FNAC est en limite de mensonge. Décryptons.

Le slogan, c’est « Livraison en magasin 0 € »

Livraison, c’est une action bien définie. Ça consiste à apporter à un client la marchandise qu’il a achetée, qu’elle ait été payée ou pas. Et donc, clairement, il y a quelqu’un qui vient sonner chez toi et te dis, « Bonjour, Monsieur Dugenou, voilà votre paquet ».

Si tu dois aller au magasin de ton fournisseur, ça s’appelle un « enlèvement ». Le Code Civil fait bien la différence (article 1608) : « Les frais de la délivrance sont à la charge du vendeur et ceux de l’enlèvement à la charge de l’acheteur ».

Normal. Tu prends ton temps, ta voiture ou le métro pour aller au magasin de la FNAC, c’est à toi que ça coûte. Alors, la FNAC qui te dis que tu lui dois 0 €, elle se fout complètement de ta gueule. Heureusement, que tu payes pas deux fois !!!

Je chipote pas. On est dans les glissements sémantiques qu’adorent les publicistes et les marketeurs. Le mec qui va te dire : « Ouais, bon, enlever, livrer, c’est du kif ». Ben non, c’est pas du kif. Surtout quand tu veux la jouer culture, libraire, bonheur de la langue. C’est tellement pas du kif que la loi fait la différence.

Là, la FNAC, elle te fait croire, elle te suggère, qu’elle te fait un cadeau. Elle te prend pour un con. Si tu la crois, elle a raison de te prendre pour un con.

Remarque, vu le profil de son patron, c’est pas très étonnant. Le mec, il est fils d’un président de club de foot (c’est vrai qu’on n’est pas responsable de ses parents, mais le foot, c’est pas le bon écosystème pour la culture, quand même). Mais surtout, il est vachement fier d’avoir redressé Europe 1 en engageant Nagui. Il a pas compris que la culture, c’est d’abord regarder vers le haut, et peut être même, forcer l’autre à regarder vers le haut. Pas lui donner le choix, pas lui faciliter la réflexion. A moins que tu veuilles vider les neurones, façon Le Lay.

Bon, je suis bien tranquille, ma vision utopiste de la FNAC ne verra jamais le jour (http://rchabaud.blogspot.fr/2012/10/la-fnac-rome-le-luxe.htm). Et puis, quand t’apprécies Nagui, c’est un peu normal que tu confondes livraison et enlèvement. Faut bien s’adapter au niveau de tes collaborateurs.

Il court aucun risque le patron de la FNAC. Il est énarque. Et donc, il a des copains dans tous les organismes de vérification de la pub. Et donc, personne ne lui dira rien. Ça va passer comme une lettre à la Poste.

Et une lettre à la Poste, c’est une délivrance, pas un enlèvement.

On en reparlera…

dimanche 15 décembre 2013

LA CONSTANCE

« La constance, c’est pour l’industrie....et les maris ».

La phrase est de Françoise Etchebarne, tout là-haut à la Madeleine. Françoise produit certainement le meilleur ardi-gasna du Pays basque. Pas Ossau-Iraty, elle ne veut pas du label. Elle aime pas le cahier des charges. On est train de choisir un fromage. Ça prend du temps. Elle me fait goûter. Tous ses fromages sont différents. La date, la sèche, l’été qui avance trop vite. La grande grange surtout où sèchent les fromages. Chez Françoise, acheter un fromage, c’est un acte sérieux.

Je pensais à elle hier, en relisant Aragon. Dans Les Beaux Quartiers, les clients d’un restaurant spécialisé dans le bœuf miroton, félicitent le patron un soir où la recette est particulièrement bien réussie. Ce qui signifie, a contrario, qu’il y a des soirs où c’est moins bon. Avant, c’était comme ça. Tu pouvais bouffer dix fois le même plat dans un restau et bouffer dix plats différents. Subtilement différents. Parfois pas trop subtil. Tiens, le mec qui te sert deux fois la même omelette aux cèpes, méfie toi. L’omelette aux cèpes, ça dépend des cèpes et d’un jour à l’autre, ils sont jamais pareils.

Là, je parle du restau de base, celui du plat du jour. Avant, quand tu voulais une constance dans la qualité et le goût, t’allais chez un étoilé, par exemple Laporte au Relais de Parme, l’aéroport de Bayonne. C’était le temps où il y avait des restaurants étoilés dans les aéroports. Aujourd’hui, vas chercher à Roissy, tiens.

Remarque, c’était aussi le temps où tu mangeais au wagon-restaurant, avec des serviettes en tissu, des plats chauds servis par des serveurs en nœud papillon, des vrais plats, style rôti de bœuf sauce madère, avec pommes allumettes et salade de saison. La nourriture de la SNCF aujourd’hui te permet de donner une définition de la démocratisation.

La démocratisation, c’est passer du meilleur pour certains à la merde pour tous.

Pour vouloir que la nourriture ait le même goût d’un jour sur l’autre, il faut être mononeuronal. Ou être fils de la cantoche. C’est ce qui m’angoisse d’ailleurs, chez les jeunes critiques gastronomiques. La plupart sont des fils de la cantoche, alors, forcément, ils s’enthousiasment vite. Quand tu sors de Sodexho, même Métro paraît bon. Les copains de mon âge, ils ont pas l’enthousiasme hyperbolique. Ils bossent sur les différences, pas les ressemblances.

La constance, c’est inhumain. Il y a quelques années, je bossais pour le plus grand guide touristique français (pas Bibendum, l'autre). J’avais une bonne petite adresse, en Soule, le genre de restau où j’allais manger les truites avec mon grand-père, quand les truites étaient pêchées et non élevées. Et une année, patatras ! avalanche de lettres de lecteurs pour se plaindre du lieu. La situation était simple. Arnaud, le patron, était en train de crever d’un cancer. L’hôpital était à 100 bornes et, tous les jours, sa femme allait le voir pour l’aider dans son inutile bagarre. En attendant, elle avait refilé la cuisine à leur fils, élève-cuisinier à Biarritz, dix-huit ans à peine. Le môme, il était largué. On lui avait collé la toque de Papa, Papa qui allait mourir. Rien n’avait changé, ni la carte, ni les produits, ni les fournisseurs, mais il était en train de couler.

Enlever le restau du guide, c’était enlever 20 à 25% du CA et achever une entreprise quasi-centenaire. C’était ajouter la faillite au veuvage.

D’un autre côté, je ne pouvais pas ne pas être honnête vis-à-vis des lecteurs qui me faisaient vivre. Et donc, je suis allé sur place, j’ai vu la future veuve, j’ai vu le môme. On a parlé. Après quoi, j’ai écrit mon texte. Pour cette petite dizaine de lignes, j’ai sué sang et eau. Si je me souviens bien, ça commençait par « Après quelques mois de mauvaises surprises, la situation s’est redressée… » ou quelque chose comme ça. C’était un pari, j’avais la parole du môme qu’il allait le faire. Et il l’a fait.

Cuisiner, c’est mettre l’humain en avant. L’humain qui a des hauts et des bas, des emmerdes, un gosse malade, des joies, des moments d’enthousiasme, des jours où tout va bien, toutes ces choses qui font que le miroton sera bon ou loupé, que les jours ne se ressemblent pas et que les amours sont changeantes. C’est ça qui fait le bonheur, ces petits changements qu’on analyse ou qu’on constate, quand on disait à la patronne : « Fais gaffe, ton mec il doit être amoureux, il force sur le sel… » et que tout le monde se marrait.

Comme disait Kipling : Si tu veux que demain ressemble à aujourd’hui, va te faire foutre mon fils…

Ho ! toi tu veux qu’aujourd’hui ressemble à hier. Ben non, connard, les changements sont toujours différents. Par nature.

On en reparlera…

samedi 14 décembre 2013

LES PLAGIAIRES

Georg Gerster. Grand photographe. Dans les années 1970, il publie chez Weber, pour l’édition française, un superbe album : La Terre vue du Ciel. Tiens ! ça vous dit quelque chose.

On est au tout début de l’imagerie satellite. Imagerie car ce ne sont pas des photos, mais de la télédétection. Les journalistes, toujours simplificateurs, toujours prêts à expliquer au bon public des choses qu’ils n’ont pas comprises eux-mêmes, disent « photo », vu qu’ils ne font pas la différence entre image et photo. Les images sont assez belles, en tous cas très nouvelles. Et donc Gerster va essayer de faire quelque chose dans cette direction, sauf que ce n’est pas de la télédétection (du numérique) mais de l’argentique. Le public apprécie. Et Gerster arrête.

Pourquoi ? Il s’en est expliqué. Il ne faisait pas son travail de photographe car il ne maitrisait rien. Il faisait des cadrages quand la lumière lui donnait une bonne image. Cadreur, pas photographe. Il ne pouvait pas influencer la lumière, ni les formes, ni les volumes. Pas la peine de continuer. C’est, photographiquement, sans intérêt.

Trente ans plus tard, l’autre zozo d’Arthus-Bertrand fait la même chose. Il plagie Gerster, mais lui, cadreur, ça lui va, vu que le public ne fait pas la différence. Ne fait pas la différence et ne connait pas l’histoire de la photographie. Ça le fait, comme on dit. Il a raison YAB, ça l’a emmené à l’Académie qui n’aime rien tant que les gens qui font la même chose que ce qu’ils faisaient eux-mêmes. D’où l’adjectif « académique ».

Les plagiaires ont pris le pouvoir. Des fois, on en prend un la main dans le sac. Attali. Il s’en fout Attali. C’est une minorité qui l’identifie comme plagiaire. Le grand public, ses copains journalistes et les libraires sans neurones ne savent rien. Et donc, les ventes restent belles et bonnes.

Le plagiat, il vous saute à la gueule tous les jours, notamment sur Facebook où des zozos sans style plagient le style qu’on leur sert quotidiennement comme un brouet mal cuit.

Tiens, prends la mort de Mandela. Ils disent tous la même chose, piqué sur les commentaires de BFM, eux-mêmes plagiés sur les communiqués de condoléances. Grand homme, figure de proue du siècle, et gnagnagna… Pas un ne va chercher à s’en démarquer. Moi, je peux pas. Je peux pas écrire un mot de condoléances, même à un copain. C’est trop de travail de sortir des banalités, du partage des sentiments, toujours les mêmes… A l’occasion du deuil qui te frappe et blablabla…. Mon copain, il va en recevoir des dizaines de ce tonneau. Comment lui dire mon amitié sans bêler avec le troupeau ?

En déconnant, peut être… J’ai appris la mort de ton père, tu es donc arrivé à l’âge où être orphelin est la norme. Bientôt ton tour…. Viens boire un coup qu’on en profite. Arrête de chialer et pense à toutes les fois où il t’a emmerdé. Ouais, tous mes copains ne supportent pas. Et puis, je sais pas si vous avez remarqué, mais le plus souvent, quand quelqu’un meurt, on zappe les mauvais moments. On veut plus se souvenir que des bons, et c’est très con parce que ça creuse la peine. Vaut mieux penser aux torgnoles, ça, ça soulage.

Et c’est pareil pour tout. On baigne dans une mimesis des langages et des attitudes. On dit tous la même chose dans les mêmes moments. Mes félicitations aux heureux parents. Ça facilite le travail des éditeurs de cartes postales. Et ça rend le monde insipide et tristouillard. Toujours pareil, des cuisiniers qui revisitent les plats. Tiens, « revisiter », çui là tu l’utilises quand tu veux dire que le mec il a fait à peu près comme, mais différemment de. Différemment en quoi ? Jamais on te le dit. Ça supposerait que tu connaisses l’original, que tu analyses les deux. Ho ! tu deviens chiant. Tu vas pas revenir à Escoffier et Ali-Bab ? Et donc « revisiter », ce grand gandin de la langue, tu le trouves partout. Je le sais, je l’ai utilisé, il est bien pratique quand tu as besoin de torcher un texte et que t’as pas trop le temps. Mais, bon, j’avais pas le sentiment d’écrire, juste de faire de l’assemblage de langue comme l’autre il fait de l’assemblage de produits.

Et puis « revisiter », ça fait neuf, et on a besoin de neuf. On en a déjà parlé (http://rchabaud.blogspot.fr/2012/05/la-page-blanche.html)

Je vous jure, c’est chiant d’être vieux, d’avoir vu plein de choses, d’avoir appris plein de choses et de hausser les épaules devant tous ces plagiaires, ces copieurs, ces truqueurs, ces cerveaux vierges de savoir et de mots. Blasé ? Non. Dieu merci, il reste toujours à lire et à savoir.

Tiens, je relis Needham. Et alors ? Ben, tu vois pas la Chine de la même façon, tout d’un coup…..

On en reparlera….


vendredi 6 décembre 2013

MADIBA TAUBIRA

Bon, c’est triste. OK, c’était un grand homme. Le seul truc qui me gêne, c’est l’unanimité. Quand je vois un hommage unanime, ma première question, c’est de savoir qui s’est invité au bal des faux culs. Parce que Mandela, il a du en gêner plus d’un, en emmerder plus d’un. Il a du provoquer quelques colères et pas mal de grincements de dents. Bon, on a l’habitude : fermer les cercueils, c’est aussi fermer les lèvres. Vont tous y aller avec la mine de circonstance. S’ils y vont pas, ils vont peser au trébuchet le poids de leurs représentants.

Pour l’instant, on n’en est qu’aux déclarations. On reprend les mêmes que pour Luther King. A quelques détails près. Taubira, par exemple. Elle envoie un tweet et quel est le mot utilisé : MADIBA.

Surnom de Mandela, surnom affectueux filé par les militants de l’ANC, puis par les Sud-africains.

Quel est le sens de ce surnom dans le tweet de Taubira ? De toutes les déclarations de politiques que j’ai lues (il doit en manquer, je vous rassure), elle est la seule à utiliser le surnom affectueux. Pourquoi ?

Veut-elle suggérer une proximité supérieure ? Admettons. A t’elle rencontré Mandela plus souvent et de manière plus intime que ses collègues ? Pas que je sache. Alors, pourquoi suggérer cette proximité ?

Je ne vois qu’une explication. C’est un tweet raciste. Taubira veut bien insister sur le fait que Mandela est un combattant de la cause noire. Comme elle. La proximité, elle est là. Taubira annexe Mandela sur le terrain de la couleur. C’est pathétique.

Le combat de Mandela n’était pas un combat raciste, c’était un combat anti-raciste, faire en sorte que la couleur ne soit plus un marqueur social, éducatif, politique ou même sportif. Gommer la couleur.

Le cercueil est pas fermé qu’il se fait annexer comme Noir. La couleur redevient un marqueur. Vous allez voir comme ça va déraper dans les jours qui viennent. Parce qu’effectivement, tout n’est pas rose au pays des Springboks. Ailleurs, non plus. Tout simplement parce qu’une bande de jean-foutres, au lieu de travailler sur les ressemblances bossent sur les différences, les mettent en exergue, créent des Conseils représentatifs… Représentatifs de quoi ? Des couleurs de peau, des religions, représentatifs de la discrimination.

Mais, elle existe la discrimination. Oui. Même qu’elle progresse. Vu qu’elle a doublé ses routes. Avant, mais ça, c’était avant, y’avait guère que les Blancs qui discriminaient et les Noirs qui souffraient. Maintenant, tout le monde discrimine, négativement (logique) et même positivement.

On est dans la quasi-scène de ménage. Rigolez pas, ça fonctionne pareil. Taubira, elle me reproche le mental colonialiste de mon arrière grand-père comme dans la scène de ménage, on reproche les conneries que la belle-mère fit dix ans plus tôt. Je dis pas ça parce que Taubira est une femme, les mecs font pareil. Claude Ribbe qui s’énerve sur le racisme de Napoléon. Oui, bon, Napoléon était raciste. En quoi suis-je concerné ? Qu'est ce que j'en ai à foutre ? C’est ça le syndrome de la scène de ménage, quand tu vas chercher les trucs anciens pour alimenter l’engueulade actuelle.

Et les scènes de ménage, on le sait, ça conduit au divorce, ça creuse les fossés. Les Français sont plus grandes gueules que racistes. Si tu discutes avec eux, tu t’aperçois que, comme toutes les grandes gueules, ils mélangent, ils confondent, ils brouillent les notions. Mais, au fond, ils n’ont pas besoin de lois pour rejeter l’esclavage. Ils voient bien que les cultures se mélangent, que les couples mixtes ne posent plus problème et que la globalisation induit une mondialisation des esprits et des pratiques sociales et culturelles. Ça va pas assez vite ? Peut être, mais c’est inéluctable.

Mais si tu me regardes en m’engueulant, c’est sur que je vais pas avoir envie de te faire la bise….

On en reparlera…

mercredi 27 novembre 2013

LES BOBOS BOUDDHOLATRES

J’en ai un peu marre de la doxa tibétolâtre qui vient me polluer les neurones. Doxa basée sur le prétendu non-respect des droits de l’Homme par la Chine.

Alors, essayons d’être clairs.

Les hommes naissent libres et égaux en droits. Les distinctions ne peuvent être fondées que sur l’utilité publique.

Ça, c’est l’article 1. Article 1 que nous, Européens, sommes infoutus de respecter. Quoi ? Qu’est ce ?

La vérité. Neuf états européens sont des monarchies dirigées par des familles régnantes. Je voudrais bien qu’on m’explique comment des pays où, lorsqu’une tête couronnée expulse un gnard, les autres gamins sont les « sujets » du précédent, peuvent prétendre à respecter cet article 1. La monarchie est un crachat à la gueule des rédacteurs de la Déclaration. Nous acceptons pourtant ces monarchies, voire nous les approuvons, mieux, nous les exaltons (on vient de vivre coup sur coup le jubilé de la royale ménopausée et la naissance et le baptême d’un chiard appelé à régner sur les autres, c’est leur conception de la démocratie).

Il est possible qu’il y ait reproduction des classes dirigeantes en Chine, mais pas plus qu’en France, et plutôt moins que dans une monarchie. Et les traitement diffèrent. Deux corrompus, Cahuzac et Bo Xilai, lequel est en prison ? Pas le Français.

L’égalité des droits dans le Tibet ancien ne me paraît pas non plus une évidence. Un lama ne sert à rien, un rimpoche, non plus. Il y a une distinction entre le paysan de base et le supérieur de monastère mais il faudra m’expliquer en quoi cette distinction est « fondée sur l’utilité commune ». Si le clergé était utile, ça se saurait quand même !

Il n’y a jamais eu autant d’écoles au Tibet. Jamais autant de routes et de voies de communications. Les famines ont été éradiquées, le système de santé n’est sûrement pas parfait, mais il existe. Un peuple a t’il besoin d’écoles ou de moines ? Lui faut-il des chirurgiens ou des rimpoches ? Répondre à ces questions, c’est se positionner politiquement, intellectuellement et humainement. Je me suis déjà énervé sur ce sujet (http://rchabaud.blogspot.fr/2013/11/les-droits-de-lhomme-2.html)

Et la culture ? Mais elle survit la culture !! Les monastères sont parfaitement entretenus, les bibliothèques existent toujours, les écoles tibétaines propagent la langue et l’écriture, il vous faut quoi en plus ? La culture chrétienne n’a pas été entravée par la Révolution française. Nous avons tous accès aux textes, et même à des textes longtemps planqués comme les Evangiles apocryphes, la peinture n’a pas été censurée, les églises sont bien entretenues, les monastères préservés. La culture chrétienne est offerte à tous. Le savoir chrétien est à la portée de n’importe qui. C’est la pratique qui a été battue en brèche, la pratique qui a si longtemps offert à la Calotte des exonérations d’impôts, des droits relevant de l’injustice, une position sociale injustifiée. On n’a pas besoin d’un curé pour connaître le christianisme, il me semble même qu’un peu d’agnosticisme puisse être utile. On n’a pas besoin de pratiquer pour connaître et j’ai eu des profs qui m’enseignaient le bouddhisme sans fréquenter les pagodes. Bouddhisme qu’ils connaissaient mieux, y compris en lisant et en traduisant les textes originaux, que beaucoup de bouddholâtres actuels.

Alors, OK, ce qui est menacé, surtout par lui-même, c’est le clergé. Ça n’a aucun intérêt. Nous avons dix fois moins de curés qu’il y a cinquante ans, ça ne menace pas la culture chrétienne.

Quant aux curés en soutane jaune, il faut bien choisir les mots. Il n’y a aucune immolation. L’immolation est un sacrifice offert à la divinité. Le bonze qui se carbonise s’offre en sacrifice, c’est un libre choix, librement décidé, une affaire entre lui et le monde des esprits. Ce n’est pas un suicide que le bouddhisme réprouve.

En réalité, un bouddhiste croit en la métempsychose. Il se réincarne après sa mort, il revit, il renaît. La mort n’a aucune importance pour lui, c’est juste un passage. En grattant son allumette, le mec s’offre simplement une vie future. On ne pleure pas sur une naissance, doit on pleurer sur une renaissance ?

Avec tout ça, on baigne dans la manipulation, mais surtout dans l’incohérence. On se fait badigeonner la tronche d’affect et de larmes bon marché. Les midinettes modernes s’offrent un roman photo à base de mandalas. Elles offrent surtout à certaines officines de désinformation une caisse de résonance où se mêlent allègrement politique et bons sentiments. On a déjà connu ça avec les Peace Corps. MacCarthy-Ricard, même combat ? Y'a des chances.

Il fallait que ce fut dit. On en reparlera certainement car on n’a pas fini d’en bouffer du curé admirable.

samedi 23 novembre 2013

CONNERIES CORRECTES

Ça pourrait être une rubrique.

Aujourd’hui, je vais dire aux débiles mentaux qui nous emmerdent avec le foie gras : vous êtes des truqueurs de la pire espèce, des petites gens qui surfent sur la vague de la compassion universelle, des bouddhistes au teint pâle et pire encore, des Européens du nord avec lesquels je ne veux pas vivre. C’est à cause de vous que j’ai voté contre Maastricht, à cause de vous que je finirai par rejoindre les anti-Européens virulents qui sont mon dernier espoir de sauver le foie gras, la corrida et le havane dans les lieux publics. Vous me rendez violent.

Bande d’ignares, avez vous déjà gavé un canard ? Moi, oui, et pas qu’une fois. Alors, pour que vous sachiez, je vais vous raconter. Comme ça, vous hésiterez peut être la prochaine fois qu’il y aura un stéréotype à enfourcher.

D’abord, gaver, c’est pas fatigant. T’as pas à courir après les canards, ce sont eux qui viennent. Tu arrives dans la cour avec le chaudron plein de pâtée, ils accourent. Peut être est-ce l’odeur, peut être la vue du chaudron bien noir, je sais pas, c’est pavlovien. Peut être que c’est maso un canard. Va savoir. Ils accourent en remuant leur croupion noir. T’as tout le temps de t’asseoir et t’attrapes le premier. Là, c’est délicat. Tu le coinces entre tes jambes et tu vas lui enquiller le tube du gavoir dans le bec. Il faut lui tirer doucement sur le cou, enfiler le tube dans le bec, puis le faire descendre en douceur. T’as la main gauche qui tient l’engin, la droite qui caresse doucement le jabot pour aider à la progression. Tante Marie disait qu’il fallait leur parler, leur dire des mots gentils. Je me souviens, elle les appelait « mounou ». Chez moi, « mounou », c’est un truc que t’utilises pour dire aux enfants que tu les aimes, l’équivalent de « mon trésor » ou « mon chéri ». J’étais un peu jaloux : j‘aurais voulu être le seul qu’on appelle « mounou ». Pas partager avec les saturnins.

Quand la canule est en place, on remplit l’entonnoir de la bonne pâtée de maïs broyé, d’herbes et de corps gras et on tourne la manivelle pour que la vis sans fin fasse descendre le nectar dans l’estomac. La bonne quantité, c’est un entonnoir bien plein. Pas plus, pas moins. Pas trop vite, non plus. Après quoi, tu retires la canule, aussi doucement que tu l’as mise, une dernière caresse au jabot et tu relaches la bête. Deux-trois minutes par canard, tout compris. Le canard se tire en vacillant un peu. Le plus souvent, il va se coucher dans un coin, histoire de faire une petite sieste post-prandiale, et t’attrapes le deuxième ; et ainsi de suite.

C’est comme ça que je donnais un coup de main à Tante Marie. La quinzaine de canards que je gavais, c’était autant qu’elle avait pas à faire. Ça lui libérait du temps pour aller faire une tarte ou une petite crème anglaise. Le gavage, c’état vraiment un acte d’amour entre elle, moi et les canards.

Me dites pas que j’ai une vision angélique et que j’ignore ce qui se passe dans les élevages industriels. Non, je ne l’ignore pas mais je ne regarde que ce mot : industriel. Au lieu de vous battre contre le foie gras avec le kleenex à la main, vous feriez mieux de vous battre contre l’industriel quel qu’il soit, contre la technostructure capitaliste. C’est elle qui a imposé qu’on change de race de canards (http://rchabaud.blogspot.fr/2011/01/parlons-un-peu-des-immigres.html), elle qui a imposé le gavage mécanique, elle qui a imposé les bandes de mille ou deux milles canards. Mais voilà : le sage montre la lune, le fou regarde le doigt. Vous allez chialer devant la photo d’un canard mort mais vous acceptez les nitrates et les pesticides qui vous permettent de bouffer de la salade en janvier. Parce qu’en janvier, je suis bien sûr que vous allez pas bouffer uniquement les légumes de saison. Et que vous allez pas engueuler le connard de bistrotier du coin qui vous colle une tranche de tomate dans l’assiette d’un bout de l’année à l’autre.

Ou pire comme les fascistes du Faux gras qui font un ersatz à base d’huile de palmiste. Le palmiste, ça pousse pas dans le Gers. Ton huile, salopard de Belge, elle a fait la moitié du tour du globe. Mais toi, ça te gêne pas, t’as l’habitude. Vu la taille ridicule de ton nain de pays, t’es bien obligé d’importer toute ta bouffe si tu veux entretenir l’obésité de tes gniards. Au cas où vous l’auriez pas remarquer, on peut pas être belge ou suisse et écolo. Quand t’habites un mouchoir de poche, faut du CO2 pour vivre aussi connement que tous les autres cons. Par exemple pour partir en vacances dans le Sud-ouest (de la France, ça va sans dire, le sud-ouest de la Belgique, ça n’existe pas) afin de mieux le détruire, d’interdire le foie gras et la corrida dans un premier temps. Le prochain coup, ce sera le rugby vu que dans le plat pays, on joue qu’au foot. Pas de raison que les autres s’amusent, une fois.

Vous vous demandez pourquoi je vire xénophobe ? Vous vous demandez pourquoi plein de Français virent xénophobes ? He bé, vous posez plus la question. Pourrait y avoir du progrom anti-belge entre Dax et Castelnaudary si vous continuez…

On en reparlera…

PS :le Faux Gras, ça existe vraiment et c’est vraiment belge. C’est une émulsion d’huile de palmiste et de divers produits chimiques censée imiter et remplacer le foie gras. Je peux pas vous dire si c’est un peu ou beaucoup dégueulasse, j’en ai jamais mangé.

mardi 19 novembre 2013

LE TOFU ET LA GEOPOLITIQUE

Ce fut mon premier repas au Japon. Du tofu, gluant et gélatineux baignant dans une sauce insipide où flottait une algue. Je venais de me taper trois ans aux Langues O’ et 10 000 kilomètres avec escale à Anchorage (c’était le temps où on faisait escale). Devant la soupe nippone, j’ai compris que je m’étais fourvoyé et que le Japon n’était pas pour moi. Malgré tout ce qui m’avait séduit (à commencer par les jardins), je sus instantanément que je n’avais rien à faire avec un peuple capable de manger un truc avec si peu de goût.

Dieu merci, le Japon m’avait conduit vers la Chine par le biais de l’incident de Mandchoukouo. Le tofu me permit de comprendre la sauvagerie de l’armée japonaise. Pensez donc à la remarque d’Obélix « l’armée romaine doit être puissante ». Un soldat nourri de tofu finit par devenir sauvage et comment, à l’idée de se nourrir de tofu toute une vie, ne pas être tenté de se crasher sur le pont d’un navire de guerre ?

C’est alors que Manu me fit découvrir le mapo tofu qu’il traduisait par « tofu de la vieille vérolée », ce qui est très exagéré. C’était dans un restaurant de Belleville voici quelques semestres. Et là, la bouche emplie de saveurs et les yeux embués de larmes dues à des piments particulièrement chauds, je pensais à mon tofu du soleil levant et je compris que je m’étais définitivement trompé de direction. Le maotaï venant compléter les agapes ridiculisait définitivement le saké.

Ceci peut sembler anecdotique mais quand on compare le tofu à la japonaise (on peut aussi le manger frit mais il n’a guère plus de goût) et le tofu chinois, on touche du doigt l’opposition inéluctable entre les deux pays. Mes copains japonologues affirment que l’essence de la cuisine japonaise réside dans son dépouillement. Avec le tofu, le dépouillement confine à la nudité. On vous dira que c’est une recherche esthétique. On serait alors au delà du minimalisme. La vérité, c’est que la cuisine japonaise est fade, peu abondante et peu variée. Le sushi, c’est pas le foie gras aux raisins. Et donc, on fait comme toujours : on remplace les saveurs par des mots et les cuissons par du baratin. C’est comme ça qu’on finit par bouffer des fleurs sans sauce, comme les vaches.

De ce triste tofu, les Chinois ont su faire la base de quelques spécialités vachement élaborées. Quand un peuple cuisine comme ça, il fait la preuve de sa civilisation. Le tofu japonais est triste comme un pasteur luthérien, le mapo tofu est gai comme frère Jean des Entommeures, avec sa farce de cochon grillé et ses piments.

Quand je mange (et c’est souvent) du mapo tofu, je sais pourquoi j’aime la Chine. Je l’aime parce qu’il y a des dizaines de variantes du plat, un peu comme il y a des dizaines de variantes du cassoulet ou de la garbure. En fonction du terrain, de la saison, des ingrédients disponibles, de subtiles variations s’installent. Pour l’heure, les Chinois ne sont pas devenus des foudistes, comme on dit. Ils mangent comme on mangeait chez nous quand j’étais petit. Beaucoup. Des plats avec une histoire. Des plats qui sont des pieds de nez aux nutritionnistes. Des plats qui appellent le desserage de ceinture et la vanne aussi grasse que la sauce. Des plats inscrits dans la terre.

Nous, pendant ce temps, on laisse quelques couillons « revisiter » des plats qu’ils n’ont jamais visités avant (qu’est ce que c’est con comme expression : stricto sensu on peut revisiter Versailles, pas la blanquette de veau), on bouffe des fleurs et on traque la sauce et le piment, ces maudits. On n’a plus le droit de picoler et on sort de table avec la faim.

La différence entre le tofu et le mapo tofu marque la différence entre le Japon et la Chine comme le foie gras est une frontière entre les Californiens engraissés de hamburgers et les secs Béarnais. On en a déjà parlé à propos du fromage (http://rchabaud.blogspot.fr/2011/01/fromage-et-geopolitique.html). Quand on comprendra que pour faire de la politique, il faut passer des heures à table, on aura fait un grand pas en avant.

A condition de s’en tenir aux produits, à leur provenance, à leur transport, à leur importance dans la balance commerciale, à leur importance religieuse. Puis je être ami avec un végétarien ? Avons nous des choses à partager ? Je veux dire des choses vraiment importantes, comme la culture, tellement liée à l’agriculture contrairement à ce que pensent les virtualistes hygiénistes….

On en reparlera …..

mercredi 13 novembre 2013

LES DROITS DE L’HOMME (2)

Je l’ai déjà raconté dans un livre de voyages, admirable et hélas ! méconnu. Je suis à Sébastopol, dans un bistro en terrasse le long du port, avec une belle gazelle d’une quarantaine d’années. Elle me raconte l’Ukraine et nous en venons aux droits de l’homme.

« Les seuls Droits de l’Homme, c’est d’être logé, nourri, éduqué et soigné. Le reste, c’est un luxe pour pays riches »

Boum ! Ben oui, ce minimum, elle ne l’a pas. Elle a quarante ans, elle est docteur en biologie et elle survit en faisant la plonge dans le bistro d’à côté. Ça lui permet de nourrir ses enfants. Pour le logement, c’est chez ses parents. L’éducation des gosses, c’est le minimum syndical et s’il y a un gros pépin de santé, t’as intérêt à avoir des économies vu que la Sécu est quasi inexistante. Tout ceci, en Europe.

Alors le passeport et les voyages à l’étranger, ça la fait marrer. « Nos parents, ils avaient pas le droit d’aller à l’étranger. Nous, oui. Mais on peut pas payer les billets…. ». C’est beau les droits qu’on peut pas exercer… Autant pas les avoir.

Les Droits de l’Homme, c’est un luxe de pays riches…Quand t’entends ça, tu prends une baffe quand même. Alors tu réfléchis. Les droits de la douce Tatiana, ils te paraissent un peu matérialistes. Et puis tu te dis que ta Liberté, si t’es hypovitaminé, tu vas pas en jouir longtemps. La Liberté, c’est d’abord la liberté d’enlever un cran à ta ceinture quand tu sors de table. Pour des millions de gens de par le monde, un repas, un toit, une école, un hôpital, c’est essentiel.

D’accord, mais pas à n’importe quel prix !!! En es tu sûr ? Tu préfères que ton gosse meure de faim pour ta carte d’électeur ? Qu’il ait le choix de ses journaux sans école pour apprendre à les lire ?

Là, c’est toujours la même réponse. Il faut les deux ! Quand on peut, c’est certain. Mais quand on peut pas ? Quand il faut choisir ? Le monde idéal reste à construire, les loulous. Les deux tiers de l’humanité doivent encore choisir.

Et puis, j’ai déjà dit tout le mal que je pensais du sujet (http://rchabaud.blogspot.fr/2010/12/quels-droits-de-lhomme.html), du sujet mais aussi de ceux qui le traitent (http://rchabaud.blogspot.fr/2011/02/indignez-vous.html).

Les convictions des droits -de-l’hommistes vont pas trop dans mon sens. Brandir les droits de l’Homme pour défendre la religion, quelle qu’elle soit, ça ne me convient pas. Un curé (un rabbin, un imam, un pasteur, un bonze..) ça ne défend pas l’Homme, ça défend un truc qui opprime l’Homme. T’es libre de penser ce que tu veux mais pas de m’emmerder avec. Si t’as besoin d’un Dieu pour vivre, libre à toi. Mais tu me l’imposes pas. Ni à moi, ni aux autres.

J’aime pas trop les moines, à part Frère Jean des Entommeures. Tous ces mecs qui branlent rien que marmonner des conneries en faisant la manche, je trouve ça pathétique. J’ai pas besoin de leurs momeries pour vivre. Pour mourir, non plus.

Faut dire que je viens de lire la biographie de Tashi Tsering traduite par André Lacroix. J’ai pas été surpris de voir que, robe noire ou orange, la pédophilie se portait bien dans les monastères. J’ai pas non plus été étonné des difficultés rencontrées pour éditer un livre remarquable. La religion est un vaste lobby, du Vatican à Dharamsala.

Le premier droit de l’Homme, c’est de pouvoir tenir debout sans béquilles intellectuelles et de comprendre que les dieux ne sont qu’une misérable création de l’Homme. S’il n’y a plus d’homme pour croire en Dieu, il n’y a plus de Dieu…

Mais ça, comme disait Saint Thomas, c’est pas demain la veille…


PS : j’offre ce texte à toutes mes copines bouddha-compatibles (j’exagère, y’a quelques mecs aussi mais les XX dominent). Qu’elles songent que tous ces bonzillons qui s’allument ont atteint le stade suprême de la religion et qu’elles se réjouissent pour eux qui vont pouvoir se réincarner. A moins que tout ceci ne soit que postures et qu’elles ne croient pas vraiment à la métempsychose. Et qu’elles gardent leur Ricard… J’ai le mien.

dimanche 10 novembre 2013

TUES PAR LEUR GOUVERNEMENT

Rien n’est plus exaspérant que ceux qui ne veulent pas comprendre. Sur Facebook, les appels à la compassion et au don de dollars se multiplient. La télé bruisse des nouvelles de dons, le monde se mobilise pour les Philippins.

Ces pauvres Philippins frappés par une catastrophe naturelle. Mon cul ! dit Zazie. Zazie qui lit ce blog sait que les catastrophes naturelles n’existent pas : ce sont juste des événements naturels devenus des catastrophes artificielles (http://rchabaud.blogspot.fr/2011/11/les-catastrophes-artificielles.html).

N’en déplaise à mon amie Mireille, je ne verserai pas une larme sur un peuple qui a foutu au pouvoir un gouvernement qui vient de tuer 12 000 de ses citoyens (dernière estimation, mais ça va grimper)..

Expliquons nous. Nous sommes en 2013. La Terre est surveillée en permanence par quelques centaines de satellites météorologiques. Les données sont publiques et tous les Etats en échangent. Pour les cyclones dans la zone Caraïbe, tu vas sur le site de la NHC, pour la zone Pacifique ouest, le mieux c’est l’agence météorologique japonaise (www.jma.go.jp/en/typh/). Le mieux pour moi : c’est clair, pas trop technique et on comprend bien. Ainsi, aujourd’hui dimanche 10 novembre, je vois se dessiner un autre petit cyclone qui pourrait bien toucher les Philippines d’ici 4 à 5 jours. Je l’ai surnommé « Deuxième Couche ».

Allez voir, c’est assez simple. Dès qu’un cyclone naît, il est surveillé. On sait dans quelle direction il va, quelle est son intensité, on le suit d’heure en heure quasiment.

Et donc le président Benigno Aquino, il savait. Il savait qu’un typhon qui allait se renforçant se dirigeait sur son pays. A trois heures près, il savait quand son pays serait touché. Et qu’a t’il fait ? Je veux dire vraiment fait. Pas se contenter de diffuser des messages d’alerte. Si vous allez sur un bon site avec une bonne base de données (et en français), comme www.catnat.net, vous apprendrez que le cyclone est la spécialité locale des Philippines. Sur les dernières années, on en a recensé 74 avec une moyenne de 332 victimes par cyclone. A mon avis, avec Haiyan, la moyenne va monter, fais moi confiance.

Benigno Aquino, ça, il le sait mieux que moi. Il sait qu’année après année, les cyclones balayent les Philippines, qu’année après année, ses concitoyens en meurent. Il sait que les zones urbaines sont les plus touchées et que ce sont les plus pauvres qui dérouillent en priorité. Qu’est ce qu’il a fait pour améliorer l’habitat ? Qu’est ce qu’il a fait pour protéger les villes ? Est ce qu’il a déplacé des populations ? Vu le résultat, ça m’étonnerait.

Faut dire qu’Aquino est libéral. Un libéral, c’est quelqu’un qui croit à une certaine immanence et refuse la coercition. Pas comme ce salaud de gouvernement communiste vietnamien qui a déplacé près d’un million de personnes avant l’arrivée d’Haiyan : c’est pas libéral d’empêcher les gens de mourir.

Les Philippins, ils l’ont élu. Chez eux, Aquino, c’est une quasi-dynastie vu que sa maman a aussi été Présidente. Ils auraient du se méfier. La maman elle s’appelait Corazon, elle se laissait affubler du diminutif yankee de Cory, tu vois le genre. Mais bon, les Philippins, le libéralisme à la Dallas, ils doivent aimer ça. Les Philippins, ils ont pas compris que dans l’Asie des Moussons, valait mieux avoir un pouvoir un peu plus fort que libéral. Ben oui, on appelle ça le « despotisme oriental ». Quand t’es en première ligne pour prendre typhons et inondations dans la gueule, c’est bien un gouvernement qui assure. Des fois, il assure avec une certaine vigueur et des gens mal intentionnés pourraient le croire dictatorial alors qu’il est seulement contraignant.

Toujours est-il que le typhon n’a tué personne. Un typhon, c’est que du vent (deux caractères japonais Tai, grand et Fu, le vent, c’est l’étymologie). Le vent n’est pas criminel, pas plus que la pluie ou le verglas.

Le criminel, c’est le gouvernement qui accepte année après année que les victimes soient plus nombreuses, en laissant croire que c’est la faute à un quelconque fatum, à une misérable destinée. En refusant de porter la responsabilité de cette tragédie.

De celle-là et des suivantes. Car il y aura, bien entendu, d’autres tragédies. Chaque automne vu que ça fait quelques siècles que ça dure et qu’il n’y a aucune raison que ça s’arrête. Sans compter que derrière le grand vent, t’as les inondations, quelques glissements de terrain et un chouïa d’épidémies.

Remarque, Aquino, s’il veut rien faire, on peut pas le forcer. Y’a que les Philippins, mais a priori, ils aiment ça. Sinon, ils auraient pris les armes, tu crois pas ?

On en reparlera…

dimanche 3 novembre 2013

RECUPERATION

C’est un truc que j’aime bien faire : suivre incognito une conversation sur Facebook. On n’est jamais déçu.

Hier, c’était rigolo comme tout. Sujet : les deux journalistes de RFI. Intervenants : des spécialistes du tourisme d’aventure. C’est vrai qu’ils ont la rage : pendant longtemps, le Sahara a été leur fonds de commerce, leur gros pourvoyeur de marges. Alors, l’insécurité dans l’oasis, ils aiment pas.

Depuis trente ans, les voyagistes sahariens nous ont construit une belle image du nomade. Fausse comme toutes les images. Le noble seigneur du désert a deux pères : Joseph Peyré et Jean-Pierre Picon. Les suivants ont fait ce qu’ils savent faire, ils ont suivi. J’ai déjà flingué cette image du noble Touareg. Le Touareg, c’est le mec qui empoisonne les puits et qui vit du trafic d’esclaves (http://rchabaud.blogspot.fr/2012/04/les-touaregs-font-chier.html).

Il y a trente ans, il y avait encore des esclaves (des harratin) dans le Hoggar et ça ne gênait personne. Alors, les discussions pour savoir si le MLNA est islamiste ou pas, ça me fait hurler de rire. S’il faut s’allier avec les islamistes pour récupérer du fric, le MLNA le fait, vu que le noble seigneur du désert, il est vénal. Comme tout le monde : on est tous plus ou moins à vendre. Ça dépend du chèque. Bon, on habille la vénalité comme on peut et même y’en a qui croient à l’habillage. Le Touareg n’est pas islamiste même quand il assassine ce bon Charles…. Ou quand il file un coup de main à AQMI. Il est noble et bon même quand il empoisonne les puits. C’est le problème avec les gens qui aiment : ils aiment plus leur objet d’amour que la réalité historique qu’ils affirment aussi aimer. En fait ce qu’ils aiment, c’est l’image qu’ils croient donner. J’en ai déjà parlé à propos des orientalistes (http://rchabaud.blogspot.fr/2011/03/les-orientalistes.html)

Et donc, je suivais cette conversation délicieuse entre « amis des sahariens » comme ils s’auto-désignent. Rien que ce terme, c’est à mourir de rire. T’étais ami avec Kadhafi ? Non ? Pourtant, il était Saharien… Ouais, mais amis des Sahariens, ça veut dire ami avec les Sahariens présentables sur les brochures. Faut pas déconner. L’amitié est fille du business.

D’ailleurs, ça a pas tardé. Mais que devons nous faire pour aider nos amis sahariens dont l’image est à jamais ternie par l’ignoble et abject assassinat dont ont été lâchement victimes deux honnêtes et intransigeants journalistes appartenant à la fine fleur des radios occidentales ? C’est vrai que la question touche à la morale, à la vie des hommes, à la liberté d’informer.

Et là, l’un des intervenants a eu la réponse : on va faire une brochure. C’est pas une belle idée, ça ? On part de deux cadavres, on finit à l’imprimerie. Peut être ben qu’on peut récupérer quelques pax sur un coup comme ça. Pas pour le Sahara, mais pour l’Atacama, on sait jamais. Déjà que le Dakar passe à Iquique…

Remarque, ça m’aidait à réfléchir à une autre question : qui a besoin de martyrs ? Pas nous. Nous, on paye pour pas en avoir. Nos adversaires s’efforcent d’en avoir. Deux stratégies, deux positions mentales sinon morales, deux positions quasiment théologiques.

Tout ça me fit penser à une planche de Reiser où l’on voit un petit mec se tordre de rire devant une affiche de mobilisation générale. La foule s’assemble autour de lui, prête à lui faire un mauvais parti. Et, à force de rire, le petit mec s’effondre, foudroyé, mort de rire. Alors la foule hisse son corps et déploie une banderole : vengeons notre martyr. Oui, décidément, nous avons besoin de martyrs, ils sont le terreau du commerce.

On en reparlera…

mardi 29 octobre 2013

LE NÈGRE DE NAPOLÉON

Ouais, bon, c’est un titre. Le nègre de Napoléon, comme chacun peut l’imaginer, c’est un Noir, un Black. Un mec que Napoléon a pris dans ses bras sur le champ de bataille d’Ostrovno pour le nommer Officier de la Légion d’Honneur.

J’aime bien cette histoire parce qu’elle est liée au territoire. Je vous explique parce que c’est rigolo. Rigolo et parfaitement documenté, ça va sans dire…

Le mec, il est né à St-Pierre-de-la-Martinique. Papa colon et Blanc. Maman mulâtresse. On est au XVIIIème siècle, le Code Noir s’applique. Et donc, Maman, elle est mulâtresse ce qui veut dire fille de Blanc et de Noire (ou de Noir et de Blanche). Le gamin, il s’appelle Joseph mais ça n’ajoute rien à ses origines. Dans le cadre du Code Noir, fils de Blanc et de mulâtresse, le gamin c’est un métis. Pas esclave vu que Papa est libre et Maman affranchie. Le Code Noir appelle ça des « libres de couleur ». Manière délicate de dire qu’il est de couleur mais libre quand même. Libre blanc, ça va de soi, et donc on dit pas. Bon, l’important, c’est qu’il est « de couleur ». Black. Noir. Nègre.

Pas tout à fait. Joseph est ce qu’on appelle alors un « chabin chapé », un môme qui a le teint très clair au point qu’on pourrait le prendre pour un Blanc. C’est des histoires génétiques, un gène qui code pas très bien pour la mélanine. Ceci dit, il s’en fout. Il a pas les droits d’un Blanc, il est majeur à 25 ans et pas 21, il peut pas s’asseoir au premier rang dans l’église (quand il y va, et c’est pas tous les dimanches). Il peut pas non plus être gradé dans l’armée, entrer dans la fonction publique ou devenir franc-maçon. C’est un sous-Blanc. A la Martinique, tout le monde sait qu’il est Noir.

On va pas rentrer dans les détails, mais Joseph, il va un peu faire la guerre contre les Anglais, se faire prendre et se retrouver prisonnier à Plymouth. Comme beaucoup d’Antillais. Et là, il se passe un truc marrant. Les Anglais libèrent d’un seul coup tous les Antillais. On dit qu’ils pensaient que ça foutrait un peu le bordel dans l’armée française. Et de fait, dès que les Antillais arrivent en France, le Comité de Salut Public les colle dans un bataillon spécial et renvoie tout les monde sous les Tropiques. Tout le monde sauf Joseph. Le Noir de St Pierre est Blanc à Plymouth.

Libéré un an après ses copains antillais, Joseph se retrouve chef de garnison à Ouilly-le-Basset dans la Normandie profonde. Chef de garnison et Blanc.

Faut réfléchir à ça. C’est le même mec. Tu le mets sur un territoire, il est Noir. Tu le changes de territoire, il est Blanc.

En fait, c’est normal. Y’a un territoire pour lequel la couleur est fondamentale. On te pèse, on te soupèse, on traque tes ancêtres jusqu’à la dixième génération. On t’étiquette, on te marque. Et puis, y’a un territoire pour lequel la couleur n’existe pas vu que tout le monde est Blanc. Et même si t’es pas tout à fait Blanc, t’es Blanc quand même. On va pas chipoter. Et voilà comment le même mec n’a pas la même identité selon le territoire où il est.

Je sais pas ce qu’il faut de plus pour bien montrer que le territoire géographique n’est rien d’autre qu’un mille-feuilles culturel et que nos rejets, nos préventions, nos habitudes viennent autant du sol que de l’histoire. Ou plus justement de l’histoire d’un sol et pas d’un autre. Joseph montre bien que t’es pas le même à la Martinique qu’en Normandie. En Normandie, en Croatie ou en Biélorussie. C’est pas un choix de hasard. Joseph a été colonel d’un régiment croate et nommé général en Russie blanche. Ça, ça m’explose de bonheur : la Russie blanche qui voit la promotion d’un colonel noir.

Enlever le sol, la géographie, de l’analyse identitaire, c’est idiot. Le sol et son histoire, le sol et son identité, l’identité du sol et l’identité de ses habitants. C’est idiot d’imaginer qu’un Alsacien va réagir comme un Antillais, même si tous les deux vont parfois réagir comme des Français qu’ils sont par ailleurs.

Tout ça, juste pour dire que si c’était simple, ce serait moins compliqué…

On en reparlera….

jeudi 24 octobre 2013

IDENTIT’AIL

C’est un truc qui m’est venu comme ça….Je n’ai jamais pu vivre avec une femme qui n’aimait pas l’ail. Jamais… Tirer un coup au passage, oui…. Mais construire une relation... impossible.

C’est vrai que j’ai une passion pour l’ail…et l’oignon pourvu qu’il soit blanc, pas trop gros et surtout pas sucré. C’est vrai que j’en mets partout et même au restau, je demande au cuistot qu’il ait la main lourde…. Et si c’est un restau aïlophobe, y’a peu de chances qu’il entre dans mes Favoris. Il paraît que ça donne une haleine de chacal. La nana qui me dit ça, elle a intérêt à apprécier la levrette pour pas me sentir. Parce que mon choix est vite fait.

C’est identitaire, forcément…Ça renvoie à mes premières années, à l’ail finement coupé qui venait parfumer la sanquëte que je partageais avec Aïtatxi, à l’ail que Fernande mettait dans tout ce qui pouvait ressembler à une salade, aux croutons frottés à l’ail qu’on enfilait dans le cul du poulet pour le parfumer et aux mêmes croutons que préparait l’oncle Adrien quand il mangeait du raisin. Tu prends un petit bout de pain frotté à l’ail, tu le colles dans un coin de ta bouche (la bouche a t’elle des coins ?) et tu fais éclater le raisin d’un coup de dent ravageur. C’est un mélange détonant.

Quand je suis arrivé à Paris, ça m’a bouleversé : l’ail était aussi rare dans les assiettes qu’un obèse à Buchenwald. Là, tu vois que t’es dans un autre monde. Tu commences à te poser des questions sur la Nation et son unité. Dans les livres de cuisine, pareil. Un peu d’ail, juste pour relever. Ici, on fait volontiers de la soupe à l’oignon et quasiment jamais de la soupe à l’ail… Ou alors de la crème d'ail et le serveur te rassure : ça ne sent pas.. Même qu’il y a des mecs pour te conseiller d’enlever le petit bout de germe pour pas que ça sente. Faux culs ! Rabat-joie ! Pisse-froids ! Si ça sent pas, c’est pas de l’ail. Alors, la nana qui mord à pleines dents dans une gousse d’ail, histoire de se parfumer la langue, ça m’allait tout à fait. Une langue, c’est meilleur quand c’est parfumé.

J’ai cru toucher le fond avec celle qui m’avait affirmé manger de l’ail tous les jours vu que son médecin lui avait dit que c’était bon pour le cœur avant de me sortir un flacon de gélules phytothérapiques. Salope !

En fait, l’identité, ça se construit comme ça. Avec des goûts et des dégoûts. Avec des gens qui aiment partager ta gousse et ceux qui font le nez quand tu sors le presse-ail. Ça vient de loin, c’est des habitudes culturelles, des choses qui surfent depuis des générations dans ta famille. Comme l’omelette norvégienne ou le Ricard à l’apéro. Ou le soufflé. Tiens, combien t’as de restaus qui mettent des soufflés à leur carte ? Si tu t’étonnes, vont t’expliquer que les clients, la mode, l’offre et la demande…..Savent pas faire et point-barre. Le soufflé, c’est pas bon pour la productivité.

Après, forcément, ça te déconstruit ta citoyenneté du monde. T’es mieux dans les pays aillés. Tu finis par préférer la Chine au Japon. Déjà que les sushis, c’est du manger de délicat, et du manger pollueur (http://rchabaud.blogspot.fr/2011/04/les-ecolotes-et-les-sushis.html) .

Attention, ça veut pas dire que t’es fermé à l’Autre ! Hola, non ! Tiens, dans la cuisine sichuanaise, y’a un truc dingue, c’est le ragoût de langues de canard. Le canard, faut pas me la faire. Ma Tante Marie, elle élevait, elle gavait, elle coupait les têtes, elle les farcissait. Tu crois être un canardophile convaincu et voilà que l’autre, il te sert un truc que t’as jamais mangé dans le canard et que c’est bon à te mettre à genoux devant. Du coup, tu regrettes d’avoir que de la Tsingtao pour escorter la chose. Tu te dis qu’un Saint-Joseph, ça complèterait. Et tu regrettes de t’être lâché sur les légumes fermentés à l’ail. Quand le maotaï arrive, t’as quasiment oublié l’Armagnac. En fait tu t’es découvert un autre territoire. Identitaire ? Pas vraiment, mais ça y ressemble.

Alors vient la vraie question : dois je tout oublier pour être un mec bien ? Je veux dire fréquentable par la plupart de mes amis. Dois je me glisser dans la peau de je ne sais qui élevé je ne sais où ? Suis je obligé d’aimer le monde entier, de me barbouiller de compassion universelle ? Ai je le droit de choisir qui je fréquente ? Et surtout, surtout, avec qui je bouffe ? Ai je le droit de ne pas aimer ?

J’ai décidé que non. Pourquoi faire semblant ? Pourquoi se forcer ? En plus, l’identité, c’est bien. Ça me rattache à un groupe et dans nos temps où seul compte l’individu, c’est rassurant

On en reparlera…

PS : c'est pas original. C'est même ce qui a fait le succès du film de Dany Boon. Quand il parle du Maroilles, moi je pense à la sanquête, l'Aixois pense à l'aïoli, et ainsi de suite. Avant de cracher sur l'identité, pensez à ça : vingt millions de spectateurs communiant autour d'un territoire.

lundi 21 octobre 2013

LES VALEURS DE LA REPUBLIQUE

C’est le leitmotiv du moment : les valeurs de la République. Chacun les brandit comme une bombe atomique idéologique.

Mais c’est quoi les valeurs de la République ? Pose la question, tu prends la réponse comme un Scud : Liberté-Egalité-Fraternité. Ha oui ? Ben, ça me paraît pas évident. Je suis pas un historien professionnel, je me suis contenté de me promener dans les textes, de Hébert à Barère. Et là, dans le corpus lexical, si la Liberté et l’Egalité occupent une place importante, ce n’est pas la première. La première place, c’est la Patrie. Quant à la Fraternité, quasi elle existe pas.

Il ne me paraît pas extravagant d’affirmer que la première valeur de la République, c’est la Patrie. Dès 1790, être patriote, c’est être un zélateur de la République, un ennemi de la Monarchie, un homme qui porte la cocarde tricolore et refuse la cocarde blanche. Patrie et République sont intimement mêlées et se renforcent mutuellement par l’opposition, la confrontation aux autres. L’amour sacré de la Patrie n’existe que par Jemmapes et Valmy. Ne soyons pas angéliques : le sang construit mieux les groupes humains que les caresses.

Et donc, le seul parti à exalter la Patrie, jusqu’à l’obsession, c’est le FN. La première valeur de la République est défendue par le FN. C’est juste une constatation qui mérite qu’on s’y arrête.

Liberté-Egalité-Fraternité, ça existe aussi. Mais dans un cadre national, patriotique et…républicain. C’est une création de la Troisième République qui inscrit la formule aux frontons des écoles et des mairies. A une époque où il n’y a quasiment pas de mouvements de populations si l’on veut bien en excepter les troupes que Jules Ferry envoie ici ou là dans le monde, histoire de libérer les peuples en les englobant dans le giron de la République. On reste entre nous, tous libres, tous égaux ou peu s’en faut et tous frères, mais ça c’est de la littérature. Suffit de regarder les statistiques criminelles. Ou de lire Albert Londres.

On est encore dans les glissements sémantiques. Une devise faite pour exalter la Nation après la défaite de 1870 se mondialise. On veut que la Liberté soit accordée à tous, que l’Egalité règne sur le monde et que tous les hommes soient frères. Voici peu, « tous les hommes sont frères », c’était un truc de curé. Mais bon, ça a changé. Pourquoi pas ? Là, où je perplexifie, c’est quand la droite curetonne refuse la fraternité humaine alors que la gauche s’en empare. Les curés seraient ils au PS plutôt qu’au FN ?

Ben oui. Voilà cinquante ans que les curetons font de l’entrisme à gauche. On a connu les curés ouvriers et les chrétiens de gôche. Petit à petit, le ver s’est mis dans le fruit, les cellules religieuses ont métastasé dans le corps laïque, la rationalité du combat économique pour la répartition des richesses a sombré dans l’océan des bons sentiments (http://rchabaud.blogspot.fr/2010/09/tu-connais-la-synecdoque.html).

Il faut dire que ça va bien avec le monde tel qu’on nous le construit, un monde d’affect, un monde qui exalte l’individu, aussi miteux (surtout miteux), aussi insignifiant (surtout insignifiant) soit-il. Aux temps glorieux où la République exaltait ses grands hommes, a succédé le temps où Sophie Davant fait pleurer dans les HLM. Il est humain not’ bon Président, il cause avec une gamine, même qu’il a du mal vu le niveau linguistique de la Carmen de Mitrovica. Je le regarde et je pleure. Tu crois que le Vieux Général, il aurait téléphoné à la nomade balkanique ? Les communicants haussent les épaules. Ce que je pense est minoritaire et plus personne ne se souvient du Vieux Général. Aujourd’hui, un bon Président est un Président humain, un peu mou (il doit avoir la poignée de main moite, François), un peu gnan-gnan. Un Président-aumonier. Remarque, ça le fait pas remonter dans les sondages. Les communicants ne veulent pas voir que la seule embellie depuis 18 mois, c’est quand il a envoyé les marsouins dézinguer de l’islamiste. Les communicants ne veulent pas voir que le seul socialiste qui caracole dans les sondages, c’est Valls.

Comment disent les enfants ? Qui va à la chasse perd sa place… Ben voilà. Tu te fais élire chef et après tu laisses le fauteuil de chef. Pas s’étonner qu’un autre y pose ses fesses.

On en reparlera…

PS : souvenez vous, dans Le Jouet, Jugnot se fait virer parce qu’il a la main moite. C’est vrai que François, il a quelque chose de Gérard. Remarque, Sarko, il avait quelque chose de Louis de Funès….

lundi 14 octobre 2013

LES CHOMEURS BRETONS

Faut le dire : j’ai du mal à compatir. On les voit, tristes et, pour certains, foutus, détruits. Et pourtant, j’ai du mal à compatir.

D’abord, la Bretagne, c’est pas très différent du reste de la France: la plupart de ces mecs et nanas, ils sont fils ou petit-fils de paysans, comme partout. Ils sont les héritiers d’une manière de vivre qu’ils ont sacrifié. Hé oui ! c’était mieux d’aller à l’usine, mieux que de galérer dans les champs. Ben voilà…au bout du bout, c’est pareil. Avec une différence : en bossant pour les industriels, vous avez sacrifié vos parents ou vos cousins. Aujourd’hui, c’est vous. Vous imaginiez quoi ? Que le cousin Yves, il avait rien compris à la modernité avec ses poulets élevés en plein air ? Mais, les loulous, c’est vous qui n’aviez rien compris.

N’en déplaise à mon vieux copain Hervé du Finistère central (il vient du Poher), la terre bretonne est une terre pauvre et ingrate. Enfin, c’est comme ça qu’elle était voici 50 ans et que la décrivait les manuels de géographie. Normal : un socle granitique, c’est pas facile d’y faire pousser des trucs. D’ailleurs, la Bretagne souffrait du mal le plus symbolique : c’est une région qui ne produisait pas de blé. Du sarrasin, oui, c’est même la base de la galette, mais de blé point. Sauf si on veut donner au sarrasin son surnom de « blé noir ».

Et donc, en cinquante ans, la région agricole la plus pauvre de France (ou peu s’en faut) devient la première région agro-alimentaire. Déjà, ça en dit long : tu peux avoir une agriculture pauvre et un agro-alimentaire riche. C’est de l’alchimie, on transforme le plomb en or.

L’explication est simple : la chimie permet de rendre riche n’importe quel sol. Et donc la Bretagne ne s’en est pas privée, aidée par tous les lobbys, tous les gouvernements. Au point de pourrir sa nappe phréatique et ses côtes, asphyxiées d'algues vertes.

Les loulous qui pleurent, les algues vertes et la nappe phréatique pourrie, ça les gênait pas trop. Tant que t’as du boulot, hein ?

Seulement voilà : le boulot se tire mais les algues vertes demeurent. On appelle ça perdant-perdant. En fait, je les plains. Découvrir que tu te fais baiser depuis des décennies, c’est pas agréable. Apprendre que le mec qui t’as baisé, il a aussi flingué ta famille et pourri ta terre, ça rend pas joyeux.

Alors, ils manifestent. Gentiment. Le Breton, c’est du rude marin, mais c’est pas un violent. A part Monsieur de Charrette (le vrai, pas la copie actuelle)…. D’abord, il lui faut le temps de comprendre. Par exemple que le fils de « l’épicier de Landerneau » marche main dans la main avec ses copains des usines à bouffe, que c’est le même système et que si on n’est pas d’accord, les briquets existent encore…

J’aime bien les Bretons, rapport à la langue, à la musique, aux écoles du Diwan. Mais, putain que je les trouve mous ! Ils voient rien ou quoi ? Ils croient que c’est juste la faute à pas de chance ou que c’est Merlin qui a jeté un sort à Doux, Caby et Gab ?

Je suis triste pour les mecs qui vont filer à Pôle-Emploi mais je me réjouis de la disparition de toutes ces usines à fabriquer de la merde. J’espère que ça va faire crever les enfoirés qui élèvent des milliers de cochons dans des conditions inhumaines, qu’ils vont fermer les HLM à cochons, les élevages de poulets en batterie et les pondeuses à la chaine. Ce qui me chagrine, c’est que le petit Marcel-Ernest Leclerc, il va trouver des cochons en HLM ailleurs en Europe et qu’on va changer les musiciens mais pas la partition.

On pourrait imaginer que la Bretagne soit le détonateur d’une vraie révolte, pas seulement pour les emplois, mais aussi pour la terre et les eaux, pour un avenir qui pourrait foutrement ressembler au Cheval d’Orgueil.

Remarque, pour foutre sous plastique du cochon industriel, de l’orgueil, faut pas en avoir de reste.

On en reparlera…

samedi 12 octobre 2013

LETTRE OUVERTE A ELAINE SCIOLINO

Je viens, Madame, de finir votre livre sur la séduction « à la française ». Souvenez vous, celui que vous m’avez offert après une conversation légère dans la librairie que je tenais alors.

Il y a à dire, encore que votre travail soit plutôt sérieux pour une journaliste. Sérieux au point de nous infliger une insipide bibliographie de 10 pages. Vous n’avez pas assimilé l’art français de la conversation : une bibliographie pour un livre sur la séduction, c’est un peu lourd. Et puis, Madame, 10 pages, c’est trop ou trop peu. Vous y montrez plus vos lacunes que vos connaissances. Eternel défaut des journalistes qui se veulent aussi sérieux que les universitaires qu’ils ne lisent pas.

Je vous ai lue avec soin. J’avais en mémoire l’éclat de vos yeux quand nous parlions et je pensais que vous maîtrisiez votre sujet. Indubitablement, vous savez séduire. Seulement, voilà : l’écriture est-elle la meilleure forme pour le discours séducteur ? J’ai vite compris que le regard était Sciolino et la plume Elaine (et non Elena). La gracieuse Italienne a fait ses classes aux USA, le pays qui a remplacé mon ami Peppino par Pizza Hut.

Il y a un nom qui manque absolument dans votre livre et c’est celui de Cyrano. Il est vrai que la France semble en avoir honte, sauf peut-être Dominique de V. Je crois, Madame, que si vous ne comprenez pas et n’aimez pas Cyrano vous n’aimerez jamais et jamais ne comprendrez la France. Cyrano, c’est la dimension du panache, du goût pour les mots, de l’indifférence aux biens matériels, de la séduction qui se cache et des sentiments que l’on voile de pudeur car il est vulgaire de montrer ses sentiments à tout un chacun.

Ceci est bien loin de la pensée américaine, fondée sur le nombre et la quantité. J’en ai déjà parlé : http://rchabaud.blogspot.fr/2011/12/correlation-et-causalite.html. Cette pensée, purement statistique n’est pas une pensée. Raison pour laquelle elle a tant de succès. N’importe qui peut jouer avec des statistiques, comprendre une courbe de Gauss et croire qu’il réfléchit. Surtout, elle est l’une des bases de ce que l’on appelle le pragmatisme et dont les Anglo-Saxons sont si fiers. Mais les causes sont plus subtiles et ce que vous appelez la séduction n’est rien d’autre qu’une réflexion subtile enrichie par l’Histoire. Encore faut-il avoir une Histoire et les deux petits siècles de l’Histoire américaine sont un peu courts. Boorstin l’a magnifiquement montré.

Puisque vous aimez les anecdotes, je vais vous raconter le jour où j’ai compris que nous étions inconciliables. C’était non loin de la Nouvelle-Orléans. Un énorme panneau publicitaire annonçait « The greatest oyster restaurant in the world ». Français jusqu’au bout des ongles, j’ai immédiatement imaginé un restaurant où je pourrais déguster des huitre de toute provenance, le plus grand choix du monde, des plates de Bretagne et des creuses du Japon, de grasses galiciennes et de goûteuses vietnamiennes. Erreur ! Grand, il l’était, plus de mille mètres carrés. Mais il ne servait que de fades, vaseuses et lourdes huitres des bayous louisianais. Comment imaginer qu’un restaurant fasse sa publicité sur sa taille et non sur ses compétences gastronomiques ? Nous n’avons décidément pas les mêmes valeurs. Et vous nous avez contaminés (http://rchabaud.blogspot.fr/2011/08/manger-et-chier.html)

Vous avez fait un gros travail. Vous n’omettez rien. Certes, nous n’avons pas les mêmes références. Savoy est un grand cuisinier, mais il en est d’autres, notamment en province. Car votre travail est complètement Parisien. Même vos escapades à Grasse se terminent au Faubourg Saint-Honoré. Villon le disait : Il n’est bon bec que de Paris. Avait-il raison ? Paris n’est pas la France, elle en est peut-être l’antiphrase. Songez à ceci : de tous nos Présidents, Sarkozy était le seul à n’avoir aucun ancrage en province. Il l’a payé cher.

Votre livre a été écrit pour essayer de faire aimer la France aux Américains et l’intention en est louable. Sauf que c’est sans espoir. Les Américains pensent que la France leur doit sa liberté. Peut-être. Mais l’Amérique doit à la France son existence : sans Lafayette, Rochambeau et quelques autres, elle n’existerait pas. Cette dette est immense et imprescriptible et les GI morts en Normandie ne suffisent pas à l’éteindre. Rien ne suffira jamais à l’éteindre. Les USA nous ont aidé comme un enfant aide sa mère. Rien de plus, rien de moins.

Nous avons des difficultés avec les langues ? Bien sûr que non. J’ai été member of the board d’une association internationale de cartographes où tous les échanges étaient en anglais et je m’en suis bien sorti. Mais je n’en tire aucune vanité. Au contraire. J’en ai plutôt honte (http://rchabaud.blogspot.fr/2013/02/do-you-speak-french.html). Nos échanges manquaient de hauteur. Il est vrai que tout nous tirait vers le commerce.

En refermant votre livre, j’étais triste en fait. Triste qu’une Italo-Américaine soit tellement américaine et si peu italienne. Il n’aura pas fallu longtemps pour que la gomme anglo-saxonne efface Raphael et Vinci. Anecdote encore : je ne sais quel journaliste français s’offusquait que la Smithsonian Institution expose un tableau de Vinci avec ce slogan : Venez voir un tableau à 5 millions de dollars, sans même donner le nom de Léonard. A quoi le conservateur lui a répliqué : personne ne sait qui est Vinci mais tout le monde sait ce que sont cinq millions de dollars.

Quand le fossé (le gap) est à ce niveau, il est inutile de chercher à construire des passerelles. Et j’admire que vous ayez essayé. Les Américains ne nous aiment pas ? Tant pis pour eux, la séduction ne consiste pas à se faire aimer de tout le monde. Encore une vision quantitative. Seul Don Juan fait semblant d’y croire.

J’espère qu’on en reparlera…

mardi 8 octobre 2013

LE RETOUR DES PYGMEES

Qu’on le veuille ou non, il y a des marqueurs de civilisation. L’écriture, par exemple…

Que les ethnologues se calment. Le ethnologues et les autres qui, pour caractériser l’art des civilisations orales, utilisent l’oxymore magnifique de « littérature orale ». Hé, les zozos, s’il y a de la lettre, y’a pas d’oralité.. Je sais, c’est commode. Mensonger mais commode. Z’auriez pu former un mot, je sais pas moi, paléologie ou logomythie, enfin un mot qui n’évoque pas l’écrit.Même "oraliture", je trouve ça suspect.

Il y a donc les sociétés avec de l’écrit et les sociétés sans écrit. En général, le chemin va du non-écrit vers l‘écrit. C’est que la parole, ça se reprend. C’est bien connu, j’ai qu’une parole…. mais comme j’en ai besoin, je la reprends. Formule éminemment politique. Et donc, pour éviter que le mec en face, il ne reprenne sa parole, on la fixe. En général, les spécialistes s’accordent à dire que l’écriture est venue du besoin de lever des impôts. En général, on considère l’écriture comme un progrès…

Dans le domaine des idées, l’écrit est la base, la pierre de touche, le fondement. D’abord parce que, quand c’est écrit, tu peux plus revenir en arrière. Ensuite parce que l’écrit laisse le temps, le temps de reprendre, de réfléchir, de trouver de nouveaux arguments. L’écrit offre en outre la possibilité de t’abriter derrière un autre écrit. Ton idée, elle te vient de X…. Ton argument, tu l’as piqué à Y… C’est plus des mots, c’est un texte auquel l’autre, contradicteur ou suiveur, peut se référer. Tu construis un vrai échange, avec des codes et des références communes. La communication est possible précisément parce qu’il y a un substrat commun. C’est étymologique : dans communication, il y a commun, l’idée de partager sur des bases communes. Ne serait-ce que le langage. Si tu doutes, tu as des dictionnaires, tout un corpus de références qui permet de revenir à niveau.

Pourquoi je dis ça ? A cause d’un reportage de France-Télévisions qui affirmait avec aplomb que les textos remettaient la communication écrite à l’honneur. On s’écrit des messages plutôt que de se causer. Ben, les textos, c’est pas de l’écrit. Rien que la langue, tiens. J’en reçois, je comprends rien. C k t vieux. En plus, c’est court. Sur Tweeter, t’as droit à 140 caractères, autant dire rien. D’ailleurs tweeter, ça veut dire « gazouiller », pas « écrire ». Ou alors, on te permet de tchater, mélange de chat anglais et tchache. C’est de l’oralité avec un vecteur écrit, rien de plus.

Faire court, c’est pas communiquer….Il faut des mots, des silences, une langue qui cherche, qui se cherche. Et puis l’oralité, j’ai connu. Tous ces mecs qui te disent : c’est Baptiste qui m’a dit que… Qui c’est Baptiste ? Qu’est ce qu’il connaît au problème ?Ils sortent d’où, les arguments de Baptiste ? Et quand tu sors tes références, ta biblio, on te regarde comme un taré. Ou comme un intello ce qui signifie la même chose pour le mec qui te parle. Poujade disait : le poisson pourrit par la tête…

Alors, oui, on revient dans un monde de Pygmées où tout le monde utilise une sous-langue pour égrener de sous-idées qu’on appelle des stéréotypes. On emploie un vocabulaire conventionnel, de plus en plus réduit, de plus en plus « efficace », bref, on ne se dit plus rien. Tout en affirmant maîtriser les moyens de communication… Mais, bon Dieu, depuis quand l’échange des banalités les plus crasses fait il sens ?

Le phatisme a gagné. C’est comme ça que Jakobson appelait les mots et les phrases inutiles : les éléments phatiques du langage, ceux qui ne servent à rien d’autre qu’à essayer de rester en phase avec l’interlocuteur. Tu vois ce que je veux dire ? Ben voilà…Euh… Juste occuper l’espace pour dire « je suis là ».

Bon. Jakobson, c’était un linguiste. Son livre est publié aux Editions de Minuit.

Pour ceux qui ont besoin de références…

On en reparlera…

samedi 5 octobre 2013

LE SOL ET LE SANG

Vieille lune : le droit du sol et le droit du sang. Adaptation juridique d’une coupure épistémologique entre l’histoire et la géographie.

Parce que dans nos têtes, c’est comme ça que ça marche : l’histoire d’un côté, la géographie de l’autre. Il ne vient à l’idée de personne que si on forme des profs d’histoire-géo, c’est que les deux disciplines s’entremêlent. Il n’y a pas d’un côté la terre et l’histoire d’un autre.

Le sol où nous vivons, le territoire que nous arpentons, il est fils de l’Histoire. Si tu peux aller dans un hôpital, c’est parce que cet hôpital a une histoire. Ça commence souvent par un établissement caritatif, avec des curés et des bonnes sœurs, ça continue avec de généreux donateurs, des médecins qui bossent, ça prend du temps, l’Etat s’en mêle et, après plusieurs siècles, ça devient un élément structurant d’un territoire. Lui refuser sa dimension historique, c’est très con.

Le citoyen de base, il a conscience de cette dimension historique. Il le sait bien, ou il le sent bien qu’il n’est pas fils de rien. Il te sort facilement ses ancêtres, sa famille. Même le petit mec des cités : quand il va à la Bastille fêter le nouveau Président, il prend le drapeau de ses parents, il affiche son origine, il revendique son histoire. S’il a du courage, il va se palucher des fiches d’etat-civil et il intègre un cercle de généalogistes.

Le droit du sol et le droit du sang ne peuvent être séparés. Le droit du sang n’est rien d’autre qu’un droit du sol dans sa dimension historique. Le citoyen de base, il le sait bien que le monde dans lequel il vit, son territoire, il le doit à ses parents, à son grand-père mort à Douaumont, aux impôts payés par ses parents qui ont permis de construire une piscine ou de créer une zone industrielle. Il le sait bien que le territoire n’est rien d’autre que l’aboutissement de dizaines de générations travailleuses et contribuables.

Pour faire court, il se sent « chez lui » parce qu’il est le dernier maillon d’une longue histoire, qu’il a des cousins dans le village voisin, qu’il parle une langue, qu’il a un accent, qu’il préfère une cuisine, toutes ces choses qui font que le Breton n’est pas un Alsacien.

Cette dimension historique perdure partout, dans la langue, dans les manières de table (ben oui, le mec qui met les mains dans le plat, c’est normal à Niamey, pas à Barcelonnette), dans la manière de se saluer (chez nous, c’est trois bises), dans le fonctionnement matrimonial et même l’organisation du mariage (y’a des régions à jarretière et des régions sans jarretière), tous ces détails que la mondialisation n’arrive pas à gommer et qui ne sont pas aussi insignifiants que nos prétendues élites veulent bien le croire. Bien entendu, ça a des racines complexes, souvent religieuses : même un athée comme moi peut avoir des réactions imbibées de siècles de calotte triomphante. Et d’abord, je suis plus ému dans une basilique cistercienne que dans une mosquée. C’est con, mais c’est comme ça. Je le sais, je lutte contre, mais c’est comme ça. Saint-Jacques est plus en moi que Mahomet. Toi, c’est le contraire et je peux le comprendre. Ma compréhension ne changera pas mes réactions..

L’Autre, je le vois pas comme un ennemi, mais comme un invité. Et d’un invité, j’attends des réactions d’invité. Pas qu’il pisse sur mon canapé, même si c’est la coutume chez lui. S’il a des réactions qui collent pas avec mon territoire, et l’histoire qui va avec, je peux être choqué, furieux. Y’a une contrepartie : quand je vais chez lui, je me comporte comme un invité. J’essaye de ne pas imposer mes manières et je me déchausse avant d’entrer dans la mosquée. Si ça me va pas, j’y vais pas.

Si on pouvait comprendre ça, les choses iraient au mieux. Les mecs qui forcent le passage à Melilla, ils se comportent pas comme des invités. Je ne veux pas être obligé d’ouvrir ma porte, même si je comprends la pauvreté, le désir de survivre et toutes ces sortes de choses. La Nation, c’est comme un domicile : un grand territoire au lieu d’un petit, mais un territoire. Toujours. Un truc que t’as aménagé, selon tes goûts, tes désirs, ton histoire. Un truc que t’as cadenassé avec une porte blindée ? Réfléchis à ça : le pays comme domicile, tu verras, ça te relativise l’analyse. Si ton domicile est grand, peut être que tu vas accueillir quelqu’un dans la pièce du fond. Peut-être pas. Mais tu attendras de lui qu’il accepte tes règles.

En fait, c’est comme ça que ça se passe. Sauf que le plus souvent, ceux qui veulent ouvrir les domiciles, ils pensent aux domiciles des voisins. Chez toi, oui, chez moi, non. Accueille les Roms, moi j’ai pas la place. Alors, forcément, ça pète.

C’est juste une question de vision. Le patron du George V, quand il voit une burqa, c’est une princesse saoudienne qui va lui laisser un maximum de thunes. Amène lui la femme de Mouloud de Gennevilliers, tu vas voir s’il a la tolérance hyperbolique. Et si la femme de Mouloud elle vient pour se faire embaucher comme femme de chambre, tu vas voir s’il va admettre le costard islamique.

On fait quoi, alors ? On laisse les Erythréens crever ? Evidemment, non. On essaye de comprendre que partir de chez soi, c’est une horreur. Et que le mieux, c’est que les hommes puissent vivre dignement dans les lieux qui les ont construit.

Valls, il est émigré, il sait. Il sent. Il a vécu. Raison pour laquelle sa parole pèsera toujours plus lourd que celle des bobos qui jouent de la misère de ceux qui sont partis de chez eux.

On en reparlera….

mardi 1 octobre 2013

TOUS PATRONS !!!!

Ça sent la provoc… Pas tant que ça….Doit-on travailler le dimanche ? Pose la question et t’as le discours idéologique qui démarre. On entend de tout… Y’en a, ils te brandissent la liberté comme un revolver. Pan ! dans le bide. D’autres, c’est la Bible… en 2013 ? oui. Les arguments économiques (je veux dire les chiffres) explosent dans le ciel comme des feux d’artifice. Comme toujours, tout le monde a plus ou moins raison. Plus ou moins.

Y’a des arguments qui valent pas tripette. Style, c’est le seul jour qu’on peut faire nos courses. Ho ! tu bosses 35 heures par semaine, t’as les RTT, et t’as que le dimanche pour aller chez Casto ? Tu te fous de ma gueule. Le samedi, tu pourrais y aller. Ha ! c’est le jour où tu fais du foot ? Et donc, tu veux que des mecs bossent pour te permettre d’aller au foot ? Un mec sur je sais plus quelle chaine : c’est pratique, on bricole le dimanche, on a oublié un truc, on va l’acheter. Ha ? tu veux faire bosser des mecs parce que t’es incapable de planifier ton boulot ? Sympa…..

Le plus beau, c’est les touristes. Parce que le Pékinois qui vient voir la Tour Eiffel, il va aller chez Casto acheter des vis ? On débloque, là…. Ou Sarko : Madame Obama, elle a pas pu aller faire ses courses le dimanche. Tant mieux ! Elle va pas aller dépenser ses sous alors que son pays est en faillite. C’est indécent.

J’imagine le patron de Casto. Tu crois qu’ll bosse le dimanche ? Ou qu’il va faire sa partie de golf ? Bon, je dis Casto, je pourrais dire autre chose. Le dimanche, les patrons, ils emmènent leurs enfants faire du cheval ou ils organisent des barbecues de patrons.

Y’a aussi des petits commerçants. Ouais, mais eux, ils ont le droit. Quand tu bosses en famille, tu fais ce que tu veux. Là, où ça coince, c’est quand tu contrains le salarié. Plus ou moins. Ho ! ils sont pas obligés. Si. Quand t’es à vingt euro près, tu rayes le dimanche de tes priorités. Paye les normalement, les mecs, ils vont à la pêche. Faut pas déconner. Ça fait plus d’un siècle que les hommes se battent pour moins bosser. Parce que c’est ça l’avenir de l’Homme. Moins bosser et jouir de la vie.

Y’a un truc pour régler le problème. Pas que. Mais ça aiderait. C’est d’encourager les SCOP. Une SCOP, c’est quand les salariés sont actionnaires. Là, l’augmentation de chiffre d’affaires dominicale, ça leur profite. Comme aux petits commerçants. Ils sont tous patrons. Alors, tu fais une loi autorisant les commerces familiaux et les SCOP à ouvrir quand ils veulent.

J’entends déjà les commentaires. Les SCOP ! Ça marche que pour les artisans, ça fait pas de gros fric les SCOP ! Il est fou, le mec !

Mouais. Le plus gros groupe européen d’électro-ménager, c’est une SCOP. Fagor, c’est une SCOP. Tu connais pas Fagor ? Et Brandt ? Et Thomson ? Et Sauter ? Et Vedette ? Tout ça, c’est Fagor.. 80 000 employés, 30 milliards d’euro de CA. Pour le groupe qui comprend l’une des plus grandes chaines alimentaires d’Espagne (Eroski) une banque et son propre système de sécurité sociale. Ça relativise le discours sur les coopératives qu’on te présente toujours comme une bande de babas cools utopistes. La Coopérative Mondragon (maison-mère de Fagor) est l’un des plus gros employeurs d’Europe. Avec un fonctionnement que les profs de gestion des universités bien élevées qualifieraient de quasi-communiste.

Les caissières de chez Eroski, elles sont pas précaires, elles sont actionnaires. Quand elles bossent le dimanche, le bénef, c’est pour elles. Elles pourraient s’en foutre, leurs salaires sont 15 à 20% supérieurs à ceux des autres caissières de supermarchés. C’est comme ça chez Fagor. Pour compenser, les salaires des cadres sont 30% en dessous des salaires du marché. Ho ! Ils ont pas les meilleurs, à ce tarif ! Si. Parce que la coopérative a créé sa propre Université. Privée. Mais pas privée de talents. Faut pas croire, c’est bien géré. C’est même comme ça que des coopérateurs ont pu s’offrir quelques belles marques.

Remarque, Brandt en France, filiale de Fagor, c’est pas une SCOP. Les syndicats français ont pas voulu. La règle de Fagor, c’est « pas de syndicat ». Logique. Les syndicats, c’est pour régler les conflits entre salariés et actionnaires. Quand les salariés sont actionnaires, les syndicats sont inutiles. Les syndicats français ont hurlé à la mort. Fagor a cédé. Tant pis pour les salariés.

Et donc, il y a une solution qui a fait ses preuves, juridiquement installée, économiquement rentable. Et qui reste marginale. Va comprendre.

En plus, ils sont même pas communistes vu qu’ils ont été créés par un curé. Ben oui, le fondateur de Fagor, c’était un curé, un mec dans le style des prêtres ouvriers des années 50. Tu crois qu’il serait d’accord pour que les mecs, ils bossent le dimanche et sèchent la messe ? Le curé, il a commencé par faire un atelier pour faire des casseroles. Après, il a créé une épicerie-coopérative pour que les ouvriers se sabordent pas le pouvoir d’achat en nourrissant la marmaille. Comme Franco voulait pas que les coopératives bénéficient de la sécurité sociale, il a créé sa propre sécurité sociale. Mais comment il a financé ? Comme font les curés, il a fait la quête. C’est un autre mot pour « tour de table ». Les bigotes ont filé le fric.

Comme quoi les utopies, ça peut marcher. Même avec l’Evangile à la main. C’est à désespérer de toutes les idées toutes faites.

On en reparlera…..