mercredi 17 octobre 2012

JE SUIS UN BON FRANÇAIS

Des fois, les copains viennent prendre l’apéro à la maison. On fait gaffe à être modérés : ce qu’on modère le plus d’ailleurs, c’est la modération. Mais vous savez ce que c’est. Y’en a toujours un qui a découvert un petit rouge de la vallée du Lot. Un autre qui veut nous faire un comparatif des anis méditerranéens, bref, l’un dans l’autre, on se met un peu minables. On se prend une belle torchée, une murge, une mufflée. Même que les plus faibles, ils doivent parfois s’isoler pour faire caca par la bouche. On poursuit une tradition historique longue, avec des banquets républicains, des conseils de révision homériques et des précédents culturels qui remontent au moins jusqu’à Noé. Bref, on est des bons Français.

On s’abime le budget mais on s’allège la feuille d’impôts. Nos fournisseurs, qu’ils soient au CAC 40 comme notre fournisseur de jaune ou petits vignerons, ils payent des taxes, des impôts, de l’URSAFF, des acquits-congés, ils salarient des hommes et des femmes qui, à leur tour, vont payer des impôts et des taxes. Nos picolages sont une modeste contribution à l’effort national pour relancer la croissance. On a le sens civique ou on l’a pas.

C’est pour ça que je suis farouchement contre la dépénalisation du cannabis. Surtout quand on m’explique que c’est le consommateur qu’il faut dépénaliser. Ho ! ça va pas la tête ? Le consommateur de cannabis, il entretient une économie souterraine et illégale (ou parce qu’illégale, ça change rien) et il serait, en plus, exonéré de taxes ? Au moment où on a le budget qui part en roue libre ? Ben non. Faut pas être con : le consommateur, on l’a sous la main, il est pas organisé, il pense pas à mal, il faut le taxer, c’est une proie facile. Pourquoi on taxe mes addictions et pas les siennes ? Et le principe de l’égalité républicaine, alors ?

C’est vrai, ça. C’est un des principes de base de notre société, l’égalité devant l’impôt. Le fumeur de joints, il nous coûte une fortune et il nous rapporte rien. Parasite ! Mauvais Français !

Il paraît que c’est à cause de ça qu’il faut dépénaliser. Parce que ça coûte trop cher ; OK, mais faut pas faire les choses à moitié. On pourrait monter une entreprise d’Etat (Bruxelles va encore râler, mais on s’en fout), un truc sur le modèle de l’antique SEITA, un truc qu’on appellerait la Société des Hallucinatoires Importés et Taxés (en abrégé SHIT) qui importerait, emballerait et taxerait la production botanique marocaine. Je dis marocain, mais c’est juste un exemple, je suis pas raciste. Là, du coup, le chanvre devient rentable et mes impôts baissent.

Remarque, on avait ça pour le tabac, la SEITA précisément. On l’a privatisée. Du coup, on s’est privés de plein de pognon qui est allé se nicher dans les poches d’Altadis. En plus, la SEITA, ça servait à enrichir les paysans du Sud-ouest. Il y a cinquante ans, des producteurs de tabac, y’en avait plein la vallée de l’Adour. Ils se sont reconvertis dans le kiwi, mais c’est moins bon à fumer, forcément. Et ça rapporte moins à l’Etat. On leur suggérerait de faire du chanvre et ça réglerait une partie du problème de nos campagnes. Les mecs, ils auraient tout comme les autres, une Chambre syndicale et un stand au Salon de l’Agriculture, avec dégustation gratuite. Succès assuré.

D’où je suis, je vois mon addictologue préféré faire la gueule. JLP, il tolère le jaune (tradition culturelle et rugbystique oblige) mais la fumée, il supporte pas. Alors la fumette, même pas en rêve. Je connais tous ses arguments mais il est médecin, pas économiste. Faudra que je lui explique que ça pourrait faire baisser ses impôts, ça lui relativisera la sainte colère.

Il va me dire que le chanvre détruit les neurones. Certes. Quand il y en a et quand on voit les émissions qui marchent à la télé, on peut se poser la question. Tous ces arguments, on les connaît. Ils sont tous bâtis avec le même sable que les arguments contre l’alcool et le tabac. Cessez de jouir pour vivre vieux ! Alors qu’économiquement, c’est le contraire qu’il faut faire : soyez malade, ça fait du PIB…Mourez jeune, ça allège les caisses de retraite. L’idéal, c’est le citoyen qui cotise pendant quarante ans et meurt après trois ans de retraite. Tout bénef…

Docteur, si j’arrête de fumer, de picoler et de baiser, je vais vivre plus vieux ?

Certainement, mais ça va te paraître encore plus long….

On en reparlera…

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire