mardi 17 juillet 2012

ET LA MORALE ?

On vient d’en parler, on en reparle déjà. C’est que le sujet s’impose. Le sujet, c’est PSA. Il y a une sorte de consensus sur le sujet. PSA s’est planté de stratégie. Pas assez asiatique, trop axé sur le marché national, trop obsédé par le diesel. Les commentateurs commentent, le gouvernement contrôle ce qu’il peut et les salariés balisent.

Faut le dire : les raisons, on s’en fout. Le diesel, le marché national, on s’en fout. Il faut regarder ce qui s’est passé.

Ce qui s’est passé est très simple. Le management s’est planté et les raisons du plantage ne nous regardent pas. Il s’est planté avec l’accord du Conseil d’Administration. Les actionnaires, en tête desquels la famille Peugeot, ont avalisé toutes les bonnes et mauvaises raisons, toutes les bonnes et mauvaises décisions.

Et aujourd’hui que les mauvaises décisions reviennent comme un boomerang, ils trouvent la solution la plus inique, la plus amorale, la plus dégueulasse qui soit : ils en balancent la responsabilité sur leurs salariés. Mais les salariés n’y sont pour rien ! Ils ont fait ce qu’on leur a dit de faire, au moment où on leur a dit de le faire. Pas grave : la direction se plante, le prolétaire paie. Et plutôt deux fois qu’une vu qu’on parle d’une aide de l’Etat.

C’est caricatural. Le discours du Medef, c’est responsabilité d’abord. Surtout quand on gagne des sous. Quand on en perd, la responsabilité se dilue comme le pastis dans l’eau fraiche. Quand je gagne, je suis bon, quand je perds, c’est la faute à pas de chance, au marché mondial et à l’euro qui est jamais comme il devrait être. Et du coup, on va demander à l’Etat de payer les erreurs qu’on a faites. De qui se moque t’on ? Elle est où la morale de cette famille huguenote ? Il est où Weber avec sa morale protestante liée à l’esprit du capitalisme ?

Montebourg va recevoir Varin. Il va lui dire quoi ? C’est pas bien ce que vous faites ? Mais l’autre, il s’en tape de se faire gronder. C’est juste un mauvais moment à passer. Après quoi, il tendra la sébille. Quand on n’a pas de morale, on n’a pas, non plus, de dignité. Certes, ils ont tous deux des communicants grassement payés qui vont nous dorer la pilule.

Rêvons. Rêvons d’un ministre réellement à gauche qui dirait : « Tu fermes pas l’usine. Si t’en veux plus, on la confisque ». Ou bien : « T’as plus les moyens ? Pas grave. Donne nous les clés de la maison. Nous, on a les moyens de réinvestir. On va faire la Régie Nationale des Usines Peugeot. On a déjà fait, on sait faire ». Une vraie morale : t’as perdu, t’es à poil. Comme n’importe quel artisan qui passe au Tribunal de Commerce.

Mééééh ! va bêler Parisot. C’est pas pareil, c’est plus gros. Ben si, c’est pareil au niveau des principes. La taille n’a rien à voir à l’affaire. Je parle simplement de principes, ces principes dont on nous rebat les oreilles. Les coquecigrues qu’on nous fait avaler. Le capitalisme créateur de richesses, par exemple. Certes, quand tout va bien. Sauf que quand tout va bien, n’importe quel système crée de la richesse. Et depuis le temps qu’on le pratique, le capitalisme, on sait comment il fonctionne. Privatisation des profits, mutualisation des pertes. C’est simple et ça marche toujours.

Le plus étonnant, c’est qu’à part l’extrême gauche personne ne le dit. Il y a un consensus mou, politique et social. Une sorte d’égoïsme généralisé : dès lors qu’on me laisse des miettes, le système est bon. Puis vient le moment, où il n’y a plus de miettes. Je crois bien qu’on y est. Voilà trente ans que les managers rognent sur les miettes. Bien entendu, comme c’est des miettes, on ne s’en aperçoit pas.

Comment ça marche les miettes ? Simple. Le manager baisse les coûts. Tu gagnes du pouvoir d’achat. Et donc, la petite augmentation d’impôts pour payer les nouveaux chômeurs, tu l’avales sans soucis. Belle rasade de miettes. Et puis, la concurrence étant ce qu’elle est et la main du marché dans la culotte de ma sœur ce qu’elle doit être, le manager, il doit encore plus baisser les coûts. Ça s’appelle la baisse tendancielle du taux de profit. Du pouvoir d’achat, t’en gagnes de moins en moins. Par contre, du chômeur, t’en payes de plus en plus. T’as plus de miettes. D’autant que le manager, il optimise. Il balance ses bureaux ailleurs, son siège social et les impôts qui vont avec, aussi. Te voilà pris dans une spirale infernale. Mécaniquement, tes impôts augmentent. Le pouvoir d’achat que tu gagnes n’est plus compensé.

Normalement, ça glisse tout seul. Une petite usine ici, un sous-traitant là, rien qui mérite que François Lenglet s’indigne. Vient le moment où ça ne suffit plus. Et vlan ! on ferme Aulnay. Faut voir les explications de Peugeot. C’est le moins pire. Les autos, on va les construire en Slovaquie. Après, on les importera. Pas bon pour la balance commerciale, mais ça, c’est pas le problème de Peugeot, c’est le problème de Montebourg. Pour faire bref, ton problème.

J’ai un souvenir très précis de la campagne pour Maastricht. Le patron de Peugeot, Jacques Calvet à l’époque, proclamait que Maastricht, c’était bon pour la France. C’est ce qui m’a déterminé à voter contre. Je suis pas trop pigeon : si c’est bon pour Peugeot, c’est pas bon pour moi. D’ailleurs, le traité à peine sec, Peugeot s’installait en Slovaquie. La mort d’Aulnay était programmée. La hausse de mes impôts aussi.

Quand on dit qu’il y a une morale sociale, on passe pour un vieux con. Le pire, c’est quand on le dit aux héritiers autoproclamés de Jaurès. Héritiers qui se vautrent dans l’oligarchie et jouissent de parler d’égal à égal avec des dirigeants qu’ils envient. Robespierre, reviens !

On en reparlera…

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