jeudi 5 janvier 2012

ONFRAY L'ATHEE ????

Il ne faut jamais lire les livres quand ils sortent. Ce ne sont pas des magazines, on a le temps. Si un livre est bon, il sera tout aussi bon dans dix ans.

J’ai une certaine estime pour Michel Onfray. Il est sympathique et il passe bien à la télé. Il écrit très bien, bon style, vocabulaire précis, lyrique parfois. Je ne peux pourtant pas me défendre de faire comme Manu et de me dire « Tout ça pour ça ».

Je viens de lire le Manuel d’Athéologie. Tout ça pour ça. Etait-ce bien nécessaire ? Il est content, Onfray. Il cite et récite. Il nous colle dans les dents une histoire de la philosophie non-religieuse, sans oublier le moindre nom, le plus obscur Héllène. Quelle culture !

Il ne faut jamais lire les livres quand ils sortent. Depuis son Manuel, Onfray s’est livré à une charge contre Freud dont j’avais pensé le plus grand bien. Or que nous dit-il dans ce Manuel si fortement documenté ? Que le christianisme doit toute sa part maudite (moi aussi, j’ai des références) aux « névroses » de Paul de Tarse qui a développé sa religion sur une « pulsion de mort ». Merde ! Onfray psychanalogisait avant de taper sur Tonton Sigmund. Est ce qu’il re-écrirait de même son Manuel aujourd’hui ? Parce que là, ça ferait désordre. Remarquez, ça fait désordre. On a l’impression que Onfray, il puise ses outils dans la boîte qui l’arrange, même s’il est pas d’accord avec le concepteur de la boîte.

Onfray se veut athée parce qu’il se croit hédoniste. Il se rend bien compte que les religions, ça fonctionne pas vraiment sur le plaisir. Sauf le tantrisme ousque plus t’es religieux, plus tu baises. Mais il ne parle pas du tantrisme, il se concentre sur les monothéistes. Pourtant athée, c’est athée. Même les dieux qui te recommandent d’avoir la bite à la main, t’en veux pas. Ou alors, t’es pas athée.

Le problème d’Onfray, c’est qu’il refuse de verbaliser l’essentiel. L’homme se choisit des dieux parce qu’il a peur de mourir et Onfray, il sait pas très bien se démerder avec la mort. Il évite, il esquive. C’est vrai que si tu veux vendre et passer chez Ruquier, c’est dur de regarder la caméra en face et de dire « Vous allez tous mourir, c’est comme ça et comme vous êtes une espèce animale, l’évolution d’une musaraigne du Jurassique, vous n’allez pas plus ressusciter que les crapauds ou les bonobos ». Ruquier, il va pas te réinviter, ça tu peux en être sûr. Il est pas là pour défoncer le moral du téléspectateur.

Le vrai, le seul enjeu de la religion, il est là. Quand c’est fini, c’est fini. La mort, c’est définitif. Fin de partie. Tu te moques des musulmans et de leur paradis plein de vierges toujours vierges, mais toutes les religions croient au Paradis. C’est la base de toute spiritualité. Même si t’es pas trop religieux, tu penses avoir une âme, tu te livres à des rituels funéraires, style urne pour les cendres ou autel des ancêtres, tu veux prolonger. Prolonger toi, ou ton papa, ou ton copain que t’as tué dans un accident de voiture. S’il a une vie éternelle, tu l’as pas vraiment tué. Même que tu lui as peut-être rendu service, il est mieux au Paradis que dans cette vallée de larmes.

Etre athée, c’est d’abord nous voir comme une espèce animale. De refuser toutes les conneries selon lesquelles l’Homme a un « plus », une sorte de bidule mal défini (et pour cause) qui le distingue de la carpe koï et du lombric. Ben non, il a pas de plus. Sauf un cerveau un peu plus compliqué et qui, justement, lui permet d’imaginer des dieux. Des dieux et le kama-soutra dont le nom indique qu’il s’agit d’un canon religieux. Or, on n’a pas besoin d’un évangile pour se vider les bourses. Enfin, pas moi. Un bon numéro de Play Boy, c’est mieux que les invectives de Job.

Là, Onfray, il a du mal. Il s’adresse à des hommes, des lecteurs qui ont filé quelques euro à un libraire pour lire Onfray. C’est des clients avant d’être des lecteurs. Difficile de leur dire qu’ils sont au même plan que le lombric. Tu risques de les vexer. En plus, de manière sous-jacente, Onfray, il croit bien que l’homme c’est pas vraiment un lombric. Il croit que notre « humanité », c’est plus qu’une évolution qui nous a fait grossir le cerveau, qui nous a compliqué la machine neuronale au point qu’on n’y comprend toujours pas grand chose. C’est une règle : dès qu’on comprend pas, on convoque un dieu. Loin de nous, y’a des mecs qui bossent pour démerder l’écheveau. Leroi-Gourhan qui se demandait comment fonctionnent les interactions entre la main et le cerveau. Changeux qui veut comprendre comment nos neuro-récepteurs reçoivent ce que transmettent les neuro-transmetteurs. Jean-Didier Vincent qui laboure le champ de la mécanique des passions.

Faut dire que l’idéologie est lourde. Prends l’amour. Tu me fais bander parce que t’as de beaux yeux, tu sais. Et que quand je vois briller tes beaux yeux, la mécanique neuronale se met en route et produit quantité de substances qui vont m’emmener à t’acheter des fleurs et à te bêler des âneries. En face de cette mécanique que tu connais pas, y’a quelques siècles de poésies tendres, ô temps suspends ton vol et la très chère était nue. Vincent (ou Changeux), il a en face de lui Lamartine, Baudelaire et Hugo. C’est pas gagné.

L’homme n’est pas qu’une mécanique, vont dire les humanistes et les religieux. Et pourtant. C’est une mécanique complexe, plus complexe que le lombric. Tout passe par cette mécanique, nos amours, nos créations (lisez donc Raison et Plaisir de Changeux), nos sentiments. Tout ce qui fait l’humain n’est rien d’autre qu’une immense combinatoire de molécules, de protéines, des connexions électriques entre quelques millions de neurones. On n’y comprend rien ? Est-ce une raison pour inventer Dieu ? Et même, est-ce une raison pour inventer l’Homme ?

O ! l’amour d’une mère, bramait Totor Hugo. Ben, c’est des phéromones. Tout petit, tu as senti ces phéromones, elles correspondaient au plaisir, au nichon offert, à la bouffe, à la chaleur. Ces phéromones, elles sont inscrites dans ta mémoire. Chaque fois que tu fais la bise à maman, ce plaisir remonte. Après, tu l’habilles comme tu peux, avec les vers de Hugo, les leçons de morale de ton directeur de conscience et les raisons sociales qui font qu’on doit aimer sa mère. Moi, mes moments de plaisir, c’était avec mon grand-père qui fleurait bon le tabac froid et le Ricard.

Je suis bien sûr qu’Onfray se croit athée. Mais il ne va pas jusqu’au bout. Dieu est une invention de l’Homme, alors pour tuer Dieu, il faut commencer par éradiquer l’Homme. Et toute l’idéologie merdique qui va avec, l’amour du prochain et le refus de la mort. La connerie, c’est de faire croire qu’on peut aimer toute l’Humanité, avoir la compassion universelle et que ce que tu fais à un homme, tu le fais à toute l’Humanité. Ben non. La vérité, c’est que quand un Hutu éventre un Tsutsi, ça ne me fait pas mal au bide. Ni à moi, ni à aucun de ceux que j’aime. Dire qu’on en souffre, c’est juste une posture politiquement correcte. Une posture religieuse. Il l’a dit Jean-Claude : « Ce que tu fais au plus petit d’entre les miens… »

Et Onfray, il est politiquement correct. Paradoxal, pas adoxal. Politiquement correct avec juste un poil de provocation. C’est pour ça que Ruquier l’aime.

On en reparlera…..

PS : pour ceux qui ont pas compris, Jean-Claude (abrégé en J.-C.), c’est le mec d’après lequel on mesure le temps. 2012 après J.-C.

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