mercredi 18 janvier 2012

LE MINISTRE DU MECENAT

Voilà que le PS ressort Jack Lang de la naphtaline. Pour l’envoyer dans les Vosges. Il se rapproche de Nancy, son point de départ. Il finira par boucler la boucle. Sans pour autant la boucler.

Jack Lang ne la boucle jamais. Faut dire que la télé l’aime bien et va le chercher chaque fois qu’il faut causer de culture. Pour les jeunes journalistes, il est ad vitam aeternam Ministre de la Culture.

C’est juste une étiquette. Le vieux François savait pas trop quoi faire de ce juriste saltimbanque qui passait sans souci du droit international de la mer (où il a plutôt bonne réputation) aux tirades de Corneille (où il n’a pas laissé de trace impérissable). Alors, il lui a collé la Culture.

L’autre, qui a jamais écrit une ligne lisible, il s’est cru arrivé. Le cul vissé dans le fauteuil de Malraux. Il ne s’est pas posé un instant la question de savoir ce qu’était la Culture. Comme il était ministre d’icelle, il s’est inventé une définition. Une définition moderne, bien entendu, Jack Lang se veut toujours plus moderne. Moderne, c’est à dire jeune.

Homme de gauche, Jack Lang a oublié l’Histoire. Internationaliste, Jack Lang a gommé le nationalisme. Pour faire court, il a décidé de sacrifier le patrimoine. Le patrimoine culturel de la France. Les années 1980 voient les musées dérouiller un max. Je parle des musées sérieux, style Musée des Monuments Français. Ou le Musée basque de Bayonne, vu comme un vieux machin ethnographique sans intérêt. Au Musée de l’Homme, mes copains pleuraient misère. Sans Renaud (le chanteur), les collections du Muséum national d’Histoire naturelle auraient été bouffées par les mites.

Jack Lang est devenu le Ministre de la Création. Il a juste oublié que la Culture, c’est la Création PLUS l’histoire. Quand on s’excite sur la création, on devient facilement le Ministre du Mécénat. On subventionne à plein bras, surtout les copains. Ou les gens sympathiques. Dans le livre, j’ai quelques exemples marrants. Des librairies dans d’improbables pays que Jack finançait parce que les créateurs étaient sympas. Librairies qui ont disparu quand la manne fut bouffée. Pendant ce temps, la BN pleurait misère pour sauver des manuscrits.

Tout est passé à la même moulinette. En a t-il aidé des festivals, Jack. Il aimait l’idée de s’entourer de créateurs qui flagornaient le porte-monnaie prêt à s’ouvrir. Il ne lui est jamais venu à l’idée que les créateurs qu’il devait protéger étaient morts depuis longtemps. Forcément : les morts ne fréquentent pas les cocktails.

Jack est un grand manipulateur. L’essentiel de sa gloire vient de la loi d’août 81 censée protéger la librairie française contre la FNAC. Il affirme qu’André Essel y était violemment opposé. Dans le même temps, l’associé d’Essel, Max Théret, soutenait et finançait François Mitterrand. Ce serait bien la première fois qu’un ministre aurait flingué un généreux donateur de son Président. D’ailleurs, en 81, la FNAC pesait 1% du marché du livre. Vingt ans plus tard, elle était à 18%. Corrélativement, les libraires avaient perdu les 17% que la FNAC avait gagnés. Pour un protecteur, c’est pas vraiment un succès.

La loi Lang a eu deux effets sur lesquels il faut sans cesse revenir. Elle a permis à l’édition de s’industrialiser : aujourd’hui, 80% du marché du livre est tenu par cinq grands groupes et leurs outils de diffusion. Et elle a permis à la grande distribution de s’implanter dans le livre. La FNAC a ouvert la voie aux espaces culturels Leclerc.

En allant dans les Vosges, Jack devrait s’informer sur le nombre de librairies indépendantes et familiales qui ont disparu en vingt ans, grâce à lui, à Epinal et Saint-Dié. Pas une statistique à la con comme il sait les manier sur les « points de vente du livre », statistiques où Leclerc et Auchan viennent remplacer la Librairie de la Poste. Ça permettrait aux Vosgiens de comprendre qu’on leur demande d’élire un fourrier du capitalisme culturel, l’homme qui a permis à Arnaud Lagardère de remplacer Ithier de Roquemaurel, descendant de Louis Hachette, ou à Vivendi d’éliminer les familles Nathan et Nielsen du paysage culturel. Ben oui, je parle d’Histoire. L’Histoire fait partie de la Culture.

Seulement, voilà. Jack s’excite plus sur les taggeurs que sur les orientalistes mineurs. Il préfère les rappeurs à l’opéra français. Il a un hystérique besoin d’immédiateté. Il n’a pas compris que la Culture était élitiste et que le travail d’un homme de gauche était d’offrir l’élitisme à tout le monde. Pas de simplifier les musées, mais de permettre à tout le monde d’y pénétrer et d’en jouir.

La Culture selon Lang, c’est fromage OU dessert. Rap ou Mozart. Tag ou Giotto. Il ne semble pas lui être venu à l’idée que ce pouvait être ET. Que son boulot était de conduire les fans de rap à apprécier Haydn. Sauf que je viens d’écrire « boulot ». Et que Jack ne fut jamais qu’un dandy réfractaire à l’effort.

Sauf sur un point : son image. Là, chapeau l’artiste. Faut dire que c’était pas très dur. Quand tout ton message consiste à dire que l’effort, c’est pour les cons, tous les fainéants qui n’ont pas envie, en plus d’être cons, te tressent des lauriers. Et Jack, c’est ça sa promesse. Branle rien, t’auras ton bac quand même. Les jeunes l’adorent. Forcément.

On en reparlera…..

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire