mardi 19 avril 2011

MORT AUX CLONES

J’en ai plein le dos de tout ce ramdam autour de la diversité. Je suis allé voir les dicos. C’est utile les dicos, surtout numériques, ça va plus vite. Ça veut dire quoi « être divers » ?

Pour faire court, ça veut dire « présenter des différences caractéristiques, simultanément ou successivement ». Pas être pareil. Ou identique. Ou copie conforme. Pas être le clone d’un autre. Ben, heureusement qu’on est pas identiques. Moi, je me vois pas identique au Petit Nicolas. Je me plairais pas. Des fois, j’aimerais bien être le clone de Georges Clooney, mais ça dure pas. En général, c’est quand je vois une gazelle qui ne me voit pas.

Bon. On est tous différents. C’est pas un scoop. C’est pas très intéressant non plus. Savoir qu’il y a des blonds, des bruns, des grands, des petits, des blancs, des noirs, des maigres et des enrobés, ça n’apporte pas grand chose. Remarquez, on a essayé. Y’a eu plein de théories sur le sujet. Comme quoi ceux qui avaient un gros menton respectaient pas les lois, ou que les gros cerveaux marquaient les génies, ou des trucs dans ce genre. Vous trouverez le catalogue de ces conneries dans le fabuleux livre de Stephen Jay Gould La Malmesure de l’Homme. Ça fait plus de cinquante ans que tout ça est passé aux poubelles de l’Histoire.

Sauf que c’est resté dans les têtes. Et que la diversité a grossi comme une tumeur, qu’elle a métastasé et que c’est devenu une sorte de mot-valise qui permet toutes les outrances, toutes les erreurs. Bien sûr que la diversité, elle est pas que physique. Les cultures sont diverses, les religions sont diverses. Ne serait-ce que parce que les territoires sont divers. Si t’habites Nice, t’habites pas Longwy. Le mec de Longwy, il aimerait aller à Nice. Le mec de Nice, je suis pas sûr qu’il rêve de Longwy.

Les mecs qui parlent de politique, ils mélangent allègrement. Tous. Même ceux qui sont pleins de bonnes intentions. Je sais pas si vous savez, mais y’a une mode : on aligne quelques dizaines, centaines ou milliers de portraits pour illustrer la diversité. Dire que, avec nos gueules différentes, on est tous pareils. Ben non. Avec nos gueules différentes, on a aussi des histoires différentes, des modes de vie différents, des sexualités différentes. Tout ça ne paraît pas sur nos binettes. Nos tronches restent muettes.

C’est sûr qu’on n’est pas pareils. Quand t’habites Pointe-à-Pitre, les saisons et Noël sous la neige, ça te parle pas comme à Strasbourg. Y’a des passerelles. Moi, né au Pays basque, je me dresse pas en hurlant quand les Antillais évoquent l’indépendance. Je suis bien certain qu’un Corse comprend aussi. Un Berrichon, ça m’étonnerait. D’ailleurs, je sais pas si vous avez remarqué, mais les tendances autonomistes c’est surtout dans les régions touristiques. Quand t’es envahi régulièrement par des mecs qui se foutent de ta gueule et croient qu’ils peuvent acheter ta culture avec leur forfait hôtelier, ça te pousse au rejet. Surtout si, en plus, ils draguent ta nana.

En politique, ma Bible à moi, c’est la Déclaration des Droits de l’Homme, la vraie, celle de 1789. Nulle part, il n’y est question de diversité, au contraire. Tout simplement parce qu’elle définit le cadre de toutes les diversités. Elle les accepte toutes à condition qu’elles restent dans un cadre démocratique défini par la majorité. Tu peux être minoritaire à condition de pas emmerder tout le monde.

J’admets, c’est vachement théorique. La Constituante, elle déclare en 1792 que le français est la langue de la République. Dix ans après, Napoléon nomme le basque Harispe général d’un bataillon de soldats basques parce que les mecs, ils comprenaient pas les ordres en français. Un général qui cause comme toi, ça aide…. Quant aux femmes, elles sont pas considérées comme des hommes à part entière : elles vont attendre le droit de vote pendant un siècle et demi.

Ceci étant, que l’application des principes ne soient pas immédiate et absolue, on pouvait s’en douter. C’est même pas fini. Mais ça n’enlève pas sa valeur au cadre et au principe qu’il fixe : en politique, la diversité, ça n’existe pas. On n’a pas tous la même tronche, mais on a tous les mêmes droits politiques dans le cadre de la Nation. Point barre.

On en arrive à des concepts d’une débilité absolue. La « minorité visible » par exemple. Si t’es minoritaire politiquement, ça se voit pas sur ta tronche. Y’a pas de mentons d’anar ou d’oreilles de fachos. « Minorité visible », ça veut dire Black. Seulement Black. Tu peux être Kabyle aux yeux bleus comme mon cousin Nadir, t’es minorité et pas visible. Si t’es Juif sans kippa, ta minorité, elle est dans ton calbut, pas trop visible. Un homme politique ou un journaliste qui parle de « minorité visible », avec la bouche en cul-de-poule et l’air d’une dame patronnesse, c’est un enfoiré qui stigmatise les Blacks. Les Blacks pauvres, ça va de soi. Si t’es noir et ambassadeur, t’es plus Noir. T’es ambassadeur. Minoritaire parce que les ambassadeurs, y’en a pas beaucoup. On en a déjà parlé (http://rchabaud.blogspot.com/2010/09/je-vote-gauche.html )

Faut pas croire qu’en changeant les mots on change le monde. Si t’as rien à faire, tu peux lire Chester Himes, grand auteur américain, surtout connu pour ses polars (La Reine des Pommes, c’est pas rien). Il a écrit un truc dans les années 50 sur les Blacks américains communistes qui voulaient changer la société. Ça s’appelle La Croisade de Lee Gordon. Himes, auteur noir n’écrivant que sur les Noirs, utilise toujours le mot « Nègre ». C’est pas bien disent les imbéciles. Ça stigmatise. Non. Ça décrit. Sous la plume de Himes, un Nègre, c’est un opprimé, un petit mec des ghettos au chômage. Pas la peine de l’appeler Afro-Américain et de le laisser au chômage. La plupart des gens, ce qu’ils veulent, c’est du boulot et du pognon pour vivre, pas une étiquette. Et surtout pas une étiquette qui laisse les choses en l’état.

Oui, mais le regard des autres ? He bé, les autres, si t’as du boulot, si ils te croisent tous les matins dans les bureaux de la boîte, s’ils font du sport avec toi, ils te voient plus comme minoritaire. Les autres, ils peuvent être Bretons (un peu conservateurs), ruraux (encore plus conservateurs) et élire un Noir socialiste comme maire de leur trou du cul du monde. Voir Kofy Yamgnane. Tout simplement parce que la diversité n’est pas l’altérité. On peut être différents (physiquement) et pareils (politiquement). Divers, mais pas autres.

Faut arrêter de tout mélanger. Faut faire comme ma copine Melina avec son site (www.directworld.fr ). Son sujet, c’est les DOM. Pas les Blacks, les DOM. Dans les DOM, y’a aussi des Blancs, des Jaunes et des qu’on sait pas trop. Si tu regardes, tu vas te dire qu’elle parle surtout des Blacks. Forcément, dans les DOM, ils sont majoritaires. C’est pas une question de couleur, c’est une question de territoire. La Semaine du Pays basque, c’est un journal qui parle surtout des Basques. C’est pareil.

Les minorités visibles, c’est dramatique. Parce que le communautarisme est dramatique. Il permet la division des citoyens. C’est pain bénit pour un gouvernement. Tout gouvernement rêve d’avoir une opposition éclatée : diviser pour régner. Plus facile de saupoudrer des mesurettes qui vont faire plaisir aux uns et aux autres que de s’attaquer aux vrais problèmes.

J’aimerais être copain avec Lilian Thuram. Il a quand même refusé d’être Ministre de la Diversité. Il avait pas envie d’être une sorte d’alibi, le Black de service. C’est vrai que, quand on a la célébrité et le fric, on est plus libre. Mais ce qu’on fait de sa liberté révèle l’homme. Et Thuram sait bien que Ministre, c’est pas ripolineur de façades sociales. L’offre était dégradante.

On en reparlera…

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