jeudi 17 mars 2011

PROGRAMMATION PAS GENETIQUE

C’est vrai que je me suis laissé aller contre Christian Jacob. J’ai oublié les seconds couteaux comme Lellouche, député mononeuronal de mon arrondissement, et sa charge contre DSK « grand bourgeois ». Ces trucs, on les a déjà entendus. Contre Blum et sa vaisselle en or ou contre Jaurès et son château. Arguments nuls. On peut être un grand bourgeois sans penser comme la grande bourgeoisie. Marx, autre bon exemple. Ou Che Guevara, grand bourgeois argentin.

On est en politique et en politique, seuls comptent les actes. Peut-on être un grand bourgeois et ne pas agir comme un grand bourgeois ? Et inversement, peut-on être fils de prolétaire et agir dans le sens de la grande bourgeoisie ? La pierre de touche est là. Peut-on aller contre des années de programmation pas génétique ? J’ai déjà évoqué le problème à propos de Deng Xiaoping.

On a plein d’exemples. Tous les nobles ou grands bourgeois révolutionnaires qui ont voté des textes allant à l’encontre de leurs intérêts de classe. On a aussi des contre-exemples. Laurent Fabius, fils d’antiquaire, faisant sortir les objets d’art de l’assiette de l’ISF. Dans ce cas précis, on voit bien que la programmation sociale n’est pas innocente.

Que DSK soit un grand bourgeois, on s’en fout. Blum, Jaurès, Mitterrand étaient aussi des grands bourgeois. C’est la programmation qui devrait nous intéresser. La programmation de DSK lui permet d’être le patron du FMI. Méfiance ! Encore que on ne puisse pas exclure que, Président socialiste de la France, il fasse une politique opposée à celle du FMI et qu’il la fera mieux que quiconque puisqu’il connaîtra les arcanes. Je rêve ? Et alors ?

Oui, je rêve. La programmation, elle est quasiment la même pour tous nos hommes politiques. Mêmes écoles, mêmes cursus, mêmes profs, mêmes influences, mêmes discours ambiants. Ils ont tous étudié Friedmann plutôt que Stiglitz, ils ont tous les mêmes certitudes. Dans leurs écoles, on apprend à trouver des terrains d’entente, on machiavélise soft. Leurs différences s’expriment aux marges. On a pu voir (et on l’a oublié) Sarko et Hollande posant ensemble sur une couverture de Paris-Match pour nous expliquer que l’Europe, c’est bien. Et c’est la même Europe, déréglementée, asociale, ultralibérale. Tu prends la liste des privatisations, t’en as autant sous les gouvernements de gauche que sous les gouvernements de droite. A gauche comme à droite, la productivité doit être financière avant d’être sociale. A gauche comme à droite, on oublie que l’Etat doit être un outil de correction des inégalités. Comme le disait Monsieur de Silhouette (je vous en parlerai un jour de celui-là) « dans un Etat bien administré, Sire, le fort supporte le faible ». Il parlait à Louis XV.

Tiens, la Poste. J’envoie une lettre à mon propriétaire qui habite à trois rues de chez moi. Je paye le même prix que si je l’envoie à mon copain Jean-Pierre qui est garde forestier à Iraty. Pourtant, c’est pas le même coût. Mais la Poste fait une moyenne. Si elle applique un coût réel, Jean-Pierre, je vais pas lui écrire souvent. Envoie un mail, me soufflent les tenants de la modernité. Difficile d’envoyer un mail à un mec qui n’a pas de connection Internet et qui n’a d’électricité que grâce à un groupe électrogène. OK, des comme lui, y’en a pas beaucoup. Est-ce une raison pour les oublier ? Surtout que les gardes forestiers, ils font un vrai boulot utile à la société. Quand l’Etat fait surpayer les lettres de voisinage et plombe les mailings, il fait son boulot qui consiste à envoyer une petite voiture jaune à une heure du plus proche village pour qu’un mec utile ne soit pas oublié qu’il continue à faire partie de notre communauté au même prix que les autres.

OK. Y’a des abus dans la fonction publique. J’admets. Parfois, t’as quatre mecs pour faire le boulot de deux. C’est pas rentable. Est-ce que c’est plus rentable d’en foutre deux au chômage ? De toutes façons, va falloir les indemniser, s’en occuper. Ils vont moins consommer, se précariser. Qui peut affirmer que c’est bon pour la Nation ? Quand tu fais ça, tu fais un truc de gestionnaire à la con. T’enlèves le coût d’un côté (l’entreprise) pour le transférer à l’Etat. C’est juste un changement de ligne, une modification du poste budgétaire. Si l’entreprise est nationalisée, tu ne supprimes pas le coût, tu nettoies ton budget. Si tu privatises, tu transfères le coût social du privé au public. Tu supprimes une notion pourtant républicaine : le devoir social de l’entreprise.

Ça, c’est une notion oubliée. Même dans les entreprises où l’Etat conserve des intérêts. Renault, par exemple. Renault qui va produire ailleurs et supprime des emplois en France. C’est bon pour les dividendes. Est-ce bon pour la Nation ? Le PDG de Renault a fait son choix et l’Etat n’a rien dit. Tout simplement parce que les représentants de l’Etat ont fait les mêmes écoles que les dirigeants de Renault, des écoles où on leur a appris à produire du dividende. L’intérêt national, c’est ringard dans un monde globalisé.

Soyons clairs : je n’affirme pas qu’il faille tout produire en France et que les dividendes n’ont pas d’intérêt. Je pose juste la question du choix et des conditions qui influencent ce choix. Je me demande comment on place les curseurs. C’est une question récurrente. Le privé, c’est son jeu de transférer tout ce qu’il peut à l’Etat. Quand il crée du chômage, un patron fait son boulot de patron. Il allège la masse salariale et l’Etat paye à sa place.

Je me demande surtout pourquoi les politiques l’acceptent. Pourquoi personne ne dit jamais NON. Pourquoi tout baigne dans un consensus mou. J’ai pas été habitué à ça. Il est vrai que j’ai commencé à m’intéresser à la politique à une époque où gouverner, c’était se confronter. On allait de bras de fer en bras de fer. Les syndicats qui emmerdaient le patronat, le Vieux Général qui s’opposait aux Ricains (ou aux Anglais, c’est pareil). Une droite où dominaient ceux qui avaient dit NON à Pétain et une gauche confite dans la dialectique qui lui imposait de dire NON à l’autre. Tu te situais par le NON.

Sauf que le bras de fer, t’es pas obligé de le gagner. Alors, dans les écoles de management, politique ou commercial, on a créé des cours de négociation avec le but ultime : arriver à des accords gagnant-gagnant. Des accords sans perdant. Le nirvana absolu, la disparition de la défaite. De la défaite immédiate, bien entendu, parce qu’à terme, plus ou moins long, y’a toujours un perdant. Gagnant-gagnant, c’est que de la com’. Du bruit avec la bouche, des communiqués pour la presse, Munich qui recommence.

Dans la négociation, personne ne dit jamais « Non ». Personne n’aligne une mandale à l’adversaire. C’est poli, feutré, discret. Les gens civilisés adorent. Mais si quelqu’un ne joue plus le jeu, c’est la panique. Gbagbo qui dit « Je reste Président et je vous emmerde » ou Khadafi qui affirme « Je suis chez moi, je fais ce que je veux ». Alors, là, la machine se bloque. On change les négociateurs, on essaye de changer les règles, on proteste, on conciliabule, on frénétise. Sauf que sur le terrain, ça change rien. Ceux qui jouent pas le jeu, on les cloue au pilori, c’est rien que des voyous. Mais, eux, que tu les traites de voyou, ils s’en foutent. Ton opinion de petit mec bien élevé, ils s’en torchent avec délectation. Et que des bonshommes meurent (le plus souvent parce qu’ils les tuent), c’est la cadet de leurs soucis. C’est pas nouveau. Les voyous, ils savent que ça s’arrange avec le temps. Franco, il avait compris. Après quelques années, il était redevenu fréquentable. Franco et quelques autres. Pinochet, on faisait la queue dans son bureau pour acheter du cuivre.

Le voyou gagne toujours parce qu’il fait peur. On en a déjà parlé (http://rchabaud.blogspot.com/2010/09/nous-avons-peur-dune-guerre.html ).Des fois, le voyou, il fait un peu semblant, histoire de faire tomber la méfiance. Et puis, il applique de nouveau ses règles qui ne sont pas les nôtres. Parce qu'il a pas été programmé comme il faut...

On en reparlera….

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