lundi 22 novembre 2010

VIVE GOOGLE !

J’ai parfois recours à Google pour accéder à des livres difficiles. Je n’ai aucune honte à le dire : c’est génial. Récemment, j’avais besoin d’infos sur un général de brigade napoléonien. Google Books m’a ouvert à la bonne page un dictionnaire des généraux de Napoléon publié en 1840 et parfaitement épuisé. Quelques jours auparavant (ou plutôt quelques nuits, ce n’est pas innocent), j’avais pu lire sur mon écran le texte de Strabon sur la péninsule ibérique dans une bonne traduction parue chez Hachette en 1875. Egalement épuisée. Ni Google, ni moi n’avons lésé personne. J’avais juste besoin de quelques infos qui n’auraient pas justifié l’achat des livres. Au lieu de chercher quelle bibliothèque détenait l’ouvrage, de faire le tour de Paris et de perdre un temps fou, j’ai eu l’info chez moi, à une heure du matin en quelques clics. Vive Google !

Hachette connaît bien le monde des livres. Voilà près de deux siècles que ce qu’on n’appelle plus « la pieuvre verte » baigne dans le livre. Hachette sait bien qu’un livre épuisé ne génère pas de profit, ni de droits d’auteur. Hachette sait aussi qu’accéder à un texte sur écran ne casse pas le marché de l’occasion mais peut, au contraire, le renforcer. Il est plus simple d’avoir sous la main le livre original que de le feuilleter avec Google. A condition (1) de le trouver et (2) d’avoir les moyens de l’acheter. Hachette sait bien faire la différence entre un catalogue (tous les livres édités par un éditeur) et un bon de commande (les livres disponibles seulement). A priori, l’accord Hachette-Google est un bon accord, du moins pour ce que j’en ai lu. En plus, Arnaud Nourry est un grand professionnel qui a toujours défendu avec intelligence les intérêts de son employeur et il ne peut être suspecté de s’être fait mener en bateau par la firme de Mountain View.

Les positions des autres éditeurs sont nettement moins pragmatiques et fichtrement plus idéologiques. Quand Antoine Gallimard vient pleurnicher que « Google reste une machine à cash qui se sert des livres pour augmenter la fréquentation de son site », il ne manque pas d’air, lui qui livre depuis trente ans des grandes surfaces alimentaires qui utilisent le livre comme produit d’appel pour vendre des eaux minérales ou des plats cuisinés. Quand Alain De Kouck se plaint que Google ne distingue pas entre œuvres disponibles et épuisées, il ferait mieux de balayer devant sa porte : la majorité des ouvrages d’une collection de référence comme Terre Humaine figurent au catalogue de Plon et ne sont pas servis lorsqu’on les commande. Quand Hervé de La Martinière se pose en défenseur du droit d’auteur, il ne rougit pas, lui qui a fait des soldes un élément essentiel de sa politique commerciale alors que les livres soldés ne rapportent rien aux auteurs.

La seule profession menacée par la numérisation, ce sont les bibliothécaires et c’est bien fait. Quiconque a utilisé les services d’une bonne bibliothèque municipale a payé pour le savoir. Les bibliothécaires, obsédés par la fréquentation, achètent en quantité la daube figurant dans les listes de best-sellers et ne vous fournissent jamais les livres importants dont vous pouvez avoir besoin. Demandez Dan Brown, vous l’aurez. Maxime Lamotte, c’est sans espoir. Exemple cardinal : Maxime Lamotte a dirigé pendant vingt ans le labo de biologie de Normale Sup et est l’un des meilleurs spécialistes mondiaux de l’évolution. Maxime Lamotte est édité par Hachette.

Un bibliothécaire est un individu payé pour vous fournir un Saint-Emilion grand cru mais qui n’a que du Corbières primeur sur ses étagères. J’ai longtemps fréquenté la bibliothèque d’une ville moyenne et, deux fois sur trois, les auteurs que je demandais étaient inconnus. Attention ! Il ne s’agissait pas d’obscurs anonymes du XVIIIème siècle. Non. Des profs en Sorbonne, des directeurs d’études à l’EPHE, des titulaires de chaire au Collège de France. Dans une telle bibliothèque, ne cherchez pas de revues d’histoire littéraire. Il faut aller dans une bibliothèque universitaire. La plus proche était à 200 km.

C’était une vraie bibliothèque, avec un fonds d’archives et des ouvrages accumulés au fil des années et des donations. Pour les consulter, il fallait les demander 48 h à l’avance. De telles pratiques n’aident pas vraiment à travailler. Mais, mééééh… les bibliothèques c’est pas fait prioritairement pour travailler. Ha bon ? Non, c’est fait pour prêter des livres, un maximum de livres, avoir des taux de fréquentation qui font plaisir à Monsieur le Maire. On est dans le plaisir, pas dans le travail. Et si le travail était un plaisir ?

Et donc, pour travailler, il ne nous reste que Google. Google qui a compris que le travail pouvait être un plaisir, surtout avec des livres. Arnaud Nourry est pas bête. Chaque mois, Google va lui fournir la liste des livres consultés. Arnaud Nourry va enfin savoir ce qui plait dans son catalogue. Et éventuellement rééditer.

Remarquez, il aurait pu se renseigner autrement. En causant avec des libraires, par exemple. Je veux dire de vrais libraires. Mais, vous savez ce que c’est ? Quand on a des outils modernes, on fait moderne.

Moi, trente ans dans le livre, je me marre. Google nous ramène à l’essentiel. Hachette a compris. J’ai des confrères, quand on leur parle d’Hachette, ils ont des boutons. Mais si on leur demande qui a les délais de livraison les plus courts, ils répondent Hachette. Qui a les factures les plus détaillées. Hachette encore. Qui a les réponses les plus fiables. Hachette toujours. C’est des pros.

Mais on vit dans un monde où les pros ne sont pas aimés.

On en reparlera.. si Bernard a le temps. Bernard ? L’un des meilleurs représentants que j’ai connu comme libraire. Le souvenir de mes meilleures discussions sur le contenu des livres. Représentant Hachette. Il ne l’est plus. Il a eu une promotion. C’est rare les boîtes où les bons progressent.

On en reparlera…

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