mercredi 24 novembre 2010

DISNEY ET LA FONTAINE

Ça peut paraître juste ce que dit Douglas. « La Fontaine faisait parler les animaux et tout le monde avait compris que c’était un jeu ».

Sauf que tout le monde, c’était pas le même monde. Les lecteurs de La Fontaine, ils étaient une grosse minorité de lettrés dans un monde d’analphabètes. Ils avaient lu Esope et ils se savaient dans une tradition. Ils avaient les sous nécessaires à s’offrir de belles éditions plein maroquin, parfois avec des reliures à leurs armes. Quand ils lisaient, ils faisaient marcher leur tête. Les « blaireaux » (pour reprendre son terme) qui se ruent chez Disney, c’est pas le même rêve. Destructurés, déculturés, ils vont consommer de l’image animée, voir parler les souris sans connaître La Fontaine et béer devant Blanche-Neige sans savoir qui sont les frères Grimm. La Fontaine écrivait pour un élève, Disney produit pour la Bourse. Eduquer et produire. Deux antonymes car l’homme éduqué est moins manipulable.

Ce cher Douglas ne sait rien de la corrida. Les « blaireaux » qui assistent à une corrida se foutent de la tradition. C’est juste une mot-icône pour aller dans le sens de la loi. Viens avec moi et mes copains sur un gradin et tu verras ce qui nous intéresse. Juste la manière. Tu m’accompagneras ensuite à une « tertulia ». C’est comme ça qu’on appelle les réunions d’après-corrida où on refait le match. On n’y parle que de positions de pied, de main tendue ou pas, de bêtes qui viennent mieux sur la corne gauche, de lenteur de l’éxécution…. Tu apprendras à lire le comportement d’un toro, comment il a peur et comment il réagit. C’est de l’éthologie. De l’éthologie un peu brute, un peu empirique, mais de l’éthologie quand même. Ne prononce pas le mot. Personne ne le connaît.

C’est l’une des raisons qui rend les discussions impossibles. Les anti-corridas n’ont pas envie de savoir.

Et oui, je m’appuie sur l’affect. Parce que la provoc’, ça s’adresse à l’affect. L’idée, quand même, c’est que la réaction affective provoquera une réflexion. Peut-être, peut-être pas. On peut toujours espérer. La guerre contre le stéréotype est une longue lutte.

Quant à la dimension animale de l’homme… On est d’accord et je m’en suis expliqué dans un précédent billet (normalement, je devrais dire « post », mais je n’y arrive pas). L’homme est un animal. Sa dimension d’homme ne vient que la complexité de son appareil neuronal. Et je crois qu’elle s’exprime dans le contrôle qui lui permet de s’attacher à une femme et de fermer les yeux sur les autres (ouais, bon, c’est pas si simple, on est d’accord). Ou, plus trivialement, de ne pas se ruer sur les produits que les manipulateurs de supermarchés mettent à la caisse pour lui faire sortir son portefeuille. L’animal bouffe ce qu’il trouve, l’homme le cuisine. D’ailleurs, il le cuisine de moins en moins et ça m’effraye. Bien sûr que l’homme a des pulsions. Normalement, il devrait les percevoir et les contrôler…. Faisons un rêve…

Ceci dit, tu profères aussi des conneries. L’affect, c’est pas la bouffe. Avoir faim, c’est une pulsion. La réfréner et attendre une heure que le coq au vin soit à point, c’est la contrôler, la mettre dans le domaine de la culture et de la raison dont elle ne doit pas sortir. La bouffe, à mes yeux, c’est une activité d’intellectuel. Raison pour laquelle on bouffe de moins en moins bien et on pense de plus en plus mal. Et la baise…Desmond Morris peut nous bassiner avec l’homosexualité des épinoches, l’homme a quand même réussi à en faire une activité réfléchie et qui va au-delà de l’orgasme basique. Bien sûr, il y a le viol. Il y a aussi MacDonald et les livres de Marc Lévy.

Y’a juste un truc qui m’angoisse. Quand je regarde en arrière, je trouve que, globalement, c’était mieux. Justement, on bouffait mieux (tiens, j’ai du mal à trouver des canards de Rouen, si t’as une idée…) et les textes de Brel étaient meilleurs que ceux de Grand Corps Malade qui fout des adverbes à la fin de chaque vers et s’émerveille de voir que ça rime. Est-ce que c’est une pulsion de vieux ? Je m’efforce de dominer, mais rien à faire… Au fond, c’est peut être pas une pulsion.

On en reparlera… en essayant d’être moins chiant.

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