samedi 11 septembre 2010

L'ECOLE PRIMAIRE ET LES CATASTROPHES NATURELLES

Je viens d’écouter le Président d’EDF. Interrogé sur les dégâts de la tempête de 2009, dix ans après celle de 1999, il a expliqué qu’enterrer les lignes en France coûterait 100 milliards d’euro et que ce n‘était pas possible.

Il a sûrement raison. Sauf que ce n’est pas ce qu’on lui demande. Les lignes s’effondrent quand il y a une tempête. Or, depuis quelques siècles et pour les siècles à venir, les tempêtes viennent essentiellement de l’ouest. De l’Atlantique. Les régions sinistrées en cas de tempête sont avant tout les régions de l’ouest. Tempête après tempête, les départements qui dérouillent sont toujours les mêmes : Finistère, Gironde, Vendée, Landes.

En fait, préserver la France, ce n’est pas équiper la France, c’est équiper certaines régions plutôt que d’autres. Monsieur le PDG d’EDF devrait nous dire ce qu’il en coûterait de protéger une petite dizaine de départements, car protéger ceux-là c’est protéger l’ensemble.

Monsieur le PDG d’EDF, il peut raconter ce qu’il veut. Le public auquel il parle ne sait plus rien de la logique géographique. Personne ne va lui dire : « On te demande pas d’équiper la France ! on te demande de renforcer le maillon faible et le maillon faible, c’est la Gironde, pas la Côte d’or ». Seulement voilà : à l’école primaire, on n’apprend plus où est la Côte d’or, ni que les tempêtes viennent de l’ouest. Alors, il peut plastronner, se justifier, avec un discours bien cohérent, compris de tous ceux dont la pensée n’est pas cohérente.
Et donc, en 2009, dix ans après la précédente tempête « historique » (elles sont toutes historiques sur le moment), on n’a pas bougé d’un iota.

J’ai envie de dire à Monsieur le Président d’EDF que, si en dix ans, il avait enterré les lignes d’un département par an en commençant par l’ouest, la tempête de 2009 aurait été bien moins destructrice. Et ça n’aurait pas coûté 100 milliards d’euro.
Il y a une logique géographique : les tempêtes, elles frappent à l’ouest et les pires dégâts se produisent dans les forêts. Quand y’a du vent, les arbres tombent sur les lignes électriques. Pas utile d’avoir fait Polytechnique pour faire cette analyse.

Les évidences géographiques, on devrait les apprendre dans les écoles primaires. Tenez celle-là, par exemple. Il fait plus chaud au sud qu’au nord. C’est pas une banalité. Du moins, c’est pas une banalité pour le mec du Pas-de-Calais qui fait le plein de sa cuve à mazout. Tout simplement parce que son plein, il va durer moins longtemps à Hénin-Beaumont qu’à La Ciotat. Il fait plus chaud au sud qu’au nord, ça veut dire que les priorités budgétaires, elles sont pas vraiment les mêmes au sud qu’au nord. Que les modes de vie, ils sont pas vraiment les mêmes. Conclusion : la géographie est une atteinte au principe républicain d’égalité.

Mais voilà : pour les gouvernants, une loi, ça doit être pareil pour tous. On fixe le prix du fioul pour qu’il soit pareil à Lille qu’à Marseille. On aide l’isolation de la même manière à Arras qu’à Cannes. Alors qu’isoler sa maison n’a pas le même effet à Calais qu’à Montpellier.

Un appareil législatif républicain, ça devrait être fait pour CORRIGER les inégalités, pas pour les laisser dans l’ombre. Pas non plus pour les accentuer.

Je pensais à ça en lisant le superbe coup de gueule de l’ami Gentelle dans son blog (http://www.cafe-geo.net/rubrique.php3?id_rubrique=43 ). Il nous dit quoi, Gentelle ? Que la plupart des catastrophes qui font chouiner le téléspectateur, elles sont prévisibles mais non prévues. Inondations, séismes, éruptions volcaniques, cyclones, sècheresses, on en sait assez pour tout prévoir et diminuer la gravité de ces évènements. On sait, par exemple, que Nice sera rayé de la carte un jour. Tout le monde le sait. Aller s’installer à Nice, c’est prendre le risque de se retrouver un jour devant les caméras de TF1 en train de se lamenter qu’on a tout perdu. Comme dit Gentelle : « C’est un aménagement du territoire déficient qui laisse l’ignorant s’installer en masse là où l’on sait qu’un jour ou l’autre il perdra tout ».

Là où on diverge, c’est sur le mot « ignorant ». Le mec qui s’installe dans une zone inondable, il le sait bien que c’est inondable. J’ai un souvenir très précis, à Lahonce, d’un lotissement en pied de colline dont la partie basse était barrée par un beau remblai de chemin de fer. Tu regardais le site, c’est la première chose que t’imaginais. L’eau qui dévale et qui va s’accumuler au pied de la voie ferrée. Surtout qu’avec le lotissement, ses toits et ses rues, la percolation dans le sol et l’absorption naturelle, ça peut plus marcher. Toute la flotte en bas. Pas la peine d’être géographe.

La zone était pas inondable. Elle avait jamais été inondée tant qu’elle était en friche. A cause de la percolation et de l’absorption naturelle. Dès qu’elle a été construite, ça a commencé. Le Maire, il était pas en tort. C’était pas inondable historiquement. C’était pas construit non plus, faut dire. La Terre, c’est ça : un système à paramètres multiples. T’en touches un, le système change. Les risques aussi. Dans un bassin versant, si tu aménages l’amont, c’est l’aval qui va dérouiller. Le maire en amont, il est dans la légalité. Le maire en aval, aussi. Il faudra attendre la coulée de boue (prévisible) pour bouger.

Pas la peine de chercher les responsabilités. Elles sont impossibles à trouver, à prouver. Quand on vit en société, si chacun tricote son truc dans son coin, ça marche pas. Il faut une autorité régalienne, souvent insupportable, qui va décider, contraindre le maire en amont de collecter sa flotte et obliger le maire en aval à la prudence. Une autorité qui va balancer les arguments, peser et soupeser. Et qui va introduire le facteur Temps.

Remarquez, on l’a eu. Ça s’appelait le Commissariat au Plan.

On en reparlera.


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire